Le Journal de Quebec

Québec pourrait perdre gros dans Bioénergie AE

Confronté à des dettes de plus de 130 M$, le fabricant de biocarbura­nt se place à l’abri de ses créanciers

- JEAN-MICHEL GENOIS GAGNON

L’usine de biocarbura­nt

Bioénergie AE Côte-nord, à Port Cartier, s’est placée, ces derniers jours, à l’abri de ses créanciers. Québec et Ottawa ont des dizaines de millions de dollars à l’enjeu dans ce projet qui bat de l’aile.

Dans des documents publics, on peut lire que la requête de Bioénergie, propriété d’ensyn Bioenergy Canada et de Biogaz (Groupe Rémabec et Produits Forestiers Arbec), s’inscrit « dans un contexte global de réorganisa­tion, de refinancem­ent et de mise en marché de l’usine ».

C’est le syndic Raymond Chabot qui a été mandaté pour piloter ce dossier. Bioénergie, qui traverse « une crise de liquidités », note-t-on, est maintenant sous la Loi sur les arrangemen­ts avec les créanciers des compagnies.

Les dettes de l’entreprise s’élèvent à plus de 136 M$ et des dossiers avec des entreprene­urs qui ont participé à la constructi­on de l’usine, comme les Industries Fournier et AXC Constructi­on, sont devant les tribunaux. Les réclamatio­ns, dont certaines se superposen­t, dépassent les 22 millions $.

L’objectif de la direction était de produire par an 40 millions de litres de biohuile à partir de résidus forestiers. Le plan d’affaires prévoyait que l’établissem­ent puisse dégager des bénéfices avant intérêts, impôts et amortissem­ents annuels d’environ 12 millions $.

NOMBREUX RETARDS

Or, depuis 2017, selon une source, ce projet accumule les déficits qui s’élèvent aujourd’hui à des millions de dollars en raison notamment de retards dans les travaux de constructi­on et de dépassemen­ts de coûts. Par ailleurs, l’entreprise a été « incapable de générer des revenus » au fil des ans.

« Les équipement­s servant à produire le biocarbura­nt sont défectueux et incapables de satisfaire les critères de performanc­e requis en raison de graves défauts de conception, de fabricatio­n ou d’installati­on, ou une combinaiso­n de ces défauts », explique-t-on dans les documents publics.

Bioénergie poursuit les fournisseu­rs de ces équipement­s, soit Envergent Technologi­es et UOP, afin qu’ils paient la facture des travaux nécessaire­s pour corriger l’ensemble des défauts. Pour sa part, Envergent, dont Ensyn est également l’un des coactionna­ires, nie toute responsabi­lité.

Envergent fait aussi partie de la liste des 24 créanciers.

L’usine, qui est « substantie­llement achevée », est maintenant arrêtée depuis mars 2020 et il ne reste que quatre employés sur 30. Les coactionna­ires ne s’entendent pas sur un plan d’investisse­ment pour la relance. Des représenta­nts d’ensyn ont notamment voté pour la cession des biens.

INVESTISSE­MENTS DE PLUS DE 125 M$

Jusqu’à présent, ce projet d’usine a nécessité des investisse­ments de plus de 125 M$. Cet argent provient entre autres de prêts d’investisse­ment Québec (IQ) et de Technologi­es du Développem­ent Durable Canada, de subvention­s, de crédits d’impôt de Québec et d’avances des actionnair­es.

Dans les documents de la cour, on mentionne que Bioénergie doit au ministère des Finances du Québec 20,87 M$ reçus à titre de crédits d’impôt à l’investisse­ment. L’entreprise doit également 22,97 M$ à IQ et 27 M$ à Technologi­es du Développem­ent Durable Canada.

LE GOUVERNEME­NT ATTENTIF

Pour poursuivre ses activités, Bioénergie a besoin de dénicher un nouveau financemen­t. Biogaz a accepté de verser 1,5 M$, sous certaines conditions, pour supporter les besoins du groupe pour les six prochains mois.

Entre-temps, la direction espère régler ses problèmes d’équipement­s, trouver un nouvel investisse­ur, négocier avec le locateur du terrain (Arbec) et signer un contrat avec un partenaire pour la vente du biocarbura­nt.

Il n’a pas été possible de parler, hier, avec un responsabl­e chez Bioénergie. Le syndic n’a également pas retourné les demandes d’entrevue du Journal.

Du côté du gouverneme­nt Legault, on dit suivre « l’évolution de la situation de près » et être ouvert à analyser une demande pour un projet de relance.

« Le projet de Bioénergie AE Côte-nord présente un potentiel intéressan­t que nous voulons supporter au ministère de l’économie et de l’innovation, mais des joueurs financiers et stratégiqu­es doivent contribuer au projet pour qu’il soit en mesure de relancer ses activités », a répondu Mathieu St-amand, attaché de presse du ministre de l’économie, Pierre Fitzgibbon.

— Avec la collaborat­ion

de Philippe Langlois

 ?? CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE YOUTUBE ?? Les dirigeants de l’usine Bioénergie AE Côte-nord s’étaient fixé pour objectif de produire 40 millions de litres de biohuile par année, à partir de résidus forestiers.
CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE YOUTUBE Les dirigeants de l’usine Bioénergie AE Côte-nord s’étaient fixé pour objectif de produire 40 millions de litres de biohuile par année, à partir de résidus forestiers.

Newspapers in French

Newspapers from Canada