Le testament de Denys Arcand
Vous ne pouvez pas savoir à quel point cette nouvelle m’a réjouie, rassurée, réconfortée : plus de trois ans après la sortie de La chute de l’empire américain,
Denys Arcand vient d’avoir le feu vert de la SODEC pour le financement de son prochain film qui s’intitulera : Testament.
Eh oui ! Un homme, blanc, hétérosexuel, cisgenre, de plus de 50 ans (il aura 80 ans en juin) peut encore faire des films au Québec.
Ce qui me réjouit surtout, c’est qu’en cette période de rectitude politique complètement débile, on n’a jamais eu autant besoin du regard cynique, lucide et cinglant de Denys Arcand.
VISER DANS LE MILLE
Quand j’ai lu le résumé du film de Denys Arcand, j’avais les orteils retroussés : « Dans ce nouvel opus, Denys Arcand épingle avec son habituelle acuité les travers d’une époque où rectitude politique, évolution identitaire, protestations en tous genres, scandales culturels, militantisme et autres tempêtes médiatiques forment la toile de fond d’un récit touchant mettant en scène un homme âgé qui, n’ayant plus foi en l’humanité, découvre pourtant de nouveaux repères, et ainsi son bonheur ».
Quoi ? Denys Arcand va nous présenter sa vision du mouvement woke, son point de vue sur les petits lapins, son regard sur les dérapages de l’époque ? J’ai trop hâte, je compte les dodos…
Denys Arcand a toujours tendu un miroir sans complaisance à la société québécoise. Ça nous fait grincer des dents, on n’aime pas toujours l’image qu’il nous renvoie, mais on ne peut jamais l’accuser de ne pas viser juste.
C’est presque rendu un cliché de dire que dans ses films, il avait tout prévu. Aucun autre cinéaste québécois n’a compris son peuple, son époque avec autant d’acuité.
Réjeanne Padovani qui annonce la Commission Charbonneau, Le Confort et l’indifférence qui annonce notre lassitude post-référendaire (le PQ rendu derrière QS dans les intentions de vote !)…
Arcand avait même, dans L’âge des ténèbres, prévu la controverse du mot qui commence par un « n » de l’université d’ottawa, dans une scène hilarante sur l’usage des « non-mots ».
J’espère que ce prochain Arcand sera un grand cru. Qu’on y retrouvera le Arcand des grands jours, ses remarques acerbes, sur nos universités qui offrent « la meilleure convention collective en Amérique du Nord » ou sur les désillusions d’un peuple qui s’est dit deux fois non à lui-même.
Depuis le début de la pandémie, je me sens dans un film de Denys Arcand. Et pas juste parce qu’on fait de la vaccination à grande échelle au stade olympique !
Il y a dans cette époque pandémique une langueur, un désabusement, un repli sur soi, qui me font penser à son univers.
Vous souvenez-vous dans L’âge des ténèbres quand Marc Labrèche est dans l’auto avec ses ados qui ont des écouteurs sur les oreilles ? Ça ne ressemble pas à ces mois qu’on vient de passer, chacun dans son bocal, prisonniers de nos écrans ?
DERNIÈRES VOLONTÉS
En 1986, dans Le Déclin de l’empire américain, Arcand évoquait discrètement l’épidémie de sida, avec le personnage d’yves Jacques.
Mais 35 ans plus tard, quel regard portera-t-il sur cette autre épidémie, sur cet autre virus ?
J’ai très hâte de prendre connaissance du Testament de Denys Arcand pour voir ce qu’il nous laisse… en héritage.
Denys Arcand va nous présenter sa vision du mouvement woke...