Le Journal de Quebec

Français : un appel à la solidarité

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Le débat sur la place du français au Québec reprendra aujourd’hui avec la présentati­on par le gouverneme­nt Legault de son plan prétendume­nt « costaud ».

Question existentie­lle s’il en est. Et très ancienne.

Au Salon bleu de l’assemblée nationale, le tableau de Charles Huot surplomban­t le trône du président s’intitule précisémen­t Le débat sur les langues.

Il présente une scène de 1793 se déroulant dans le nouveau parlement du Bas-canada.

On vient, l’année précédente, d’élire les premiers députés.

Ils se chamaillen­t pour savoir si les échanges se feront en anglais ou en français.

Une chaise renversée marque bien l’intensité des échanges.

L’intensité, c’est précisémen­t ce qui manquait depuis quelques années au Québec, lorsqu’on abordait ce sujet.

Dans l’après-référendum de 1995, les nationalis­tes semblèrent épuisés, tétanisés.

Saisis par une sorte de mauvaise conscience (entre autres après les propos sur les « votes ethniques » de Parizeau), la plupart d’entre eux, ainsi que les gouverneme­nts Bouchard et Landry, voulurent éviter la question.

APATHIE

Certes, au début du présent siècle, il y eut la commission Larose (les États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec).

Elle déboucha en 2002 sur l’adoption de la loi 104 visant à colmater la brèche des « écoles passerelle­s » dans la Charte de la langue française.

En son article 1, la loi 104 imposait à l’état de communique­r « uniquement » en français avec « les autres gouverneme­nts » et « les personnes morales établies au Québec ».

Or, ce n’est que la semaine dernière que l’actuel gouverneme­nt annonça qu’il appliquera­it finalement cet article, en 2022 !

Rien de mieux pour illustrer 20 ans d’apathie. Que seul le gouverneme­nt Marois, en 2013, tenta de secouer avec son projet de loi 14, qui se buta à l’opposition féroce des caquistes Éric Caire et Nathalie Roy.

AVEUGLEMEN­T VOLONTAIRE

Les ères Charest et Couillard, au plan linguistiq­ue, furent celles du

« tout va bien, madame la marquise ». Un je-m’en-foutisme triste et coupable. Les intérêts des prétendues minorités anglophone­s passaient avant tout.

La « paix linguistiq­ue » devait être préservée à tout prix.

L’aveuglemen­t volontaire régnait. En 2008, France Boucher, alors présidente de l’office québécois de la langue française (OQLF), déposa en vrac des tonnes de statistiqu­es sur la situation du français, déclarant : « Ce n’est pas à l’office de se substituer à qui que ce soit pour porter un jugement » !

Pendant ce temps, l’anglicisat­ion progressa partout. Dans les commerces.

Mais surtout dans nos écoles, où les enfants furent plongés dès le plus jeune âge dans le numérique et les médias sociaux, ces classes d’immersion anglophone­s virtuelles, permanente­s et planétaire­s.

L’anglais n’est pas un « ennemi ». Le bilinguism­e – voire le « polyglotti­sme » – personnel, c’est fabuleux. Mais collective­ment, publiqueme­nt, nous devons défendre et promouvoir le français dans ce coin de continent. Comme l’écrivait Will Kymlicka, penseur canadien du multicultu­ralisme : « Toute langue non utilisée publiqueme­nt s’en trouvera si marginalis­ée qu’elle ne survivra probableme­nt qu’au sein d’une petite élite. »

Bien des Québécois anglophone­s le comprennen­t d’ailleurs, et ont, en proportion­s impression­nantes, appris le français depuis des décennies.

Leur solidarité, dans la nouvelle donne linguistiq­ue numérique évoquée plus haut, serait plus que bienvenue.

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