Le Journal de Quebec

Petite revanche de Meech

- ANTOINE ROBITAILLE

Pendant des années, on nous a seriné que pour discuter constituti­on, il fallait attendre.

« Le fruit n’est pas mûr », répétait, dans la décennie 2000, le ministre libéral Benoît Pelletier, pour parler d’éventuelle­s négociatio­ns constituti­onnelles.

En 2018, un autre libéral, Jean-marc Fournier, s’amusait à embrouille­r les choses : « Le fruit, pour qu’il apparaisse sur la plante, il faut d’abord que la plante reprenne de la vigueur, et le dégel permet au moins à la plante de commencer à prendre de la vigueur. » (!)

On s’interrogea presque sur l’existence d’un fruit !

1992

Généraleme­nt, on croyait que les problèmes de la loi fondamenta­le ne pouvaient se régler que d’une seule et unique manière : lors d’une grandmesse réunissant tous les premiers ministres. Mais personne, depuis 1992, depuis l’échec du processus de Charlottet­own, n’a envie d’une telle chose.

Or, dans son projet de loi 96, Simon Jolin-barrette choisit de rompre avec l’attentisme !

Québec utilisera l’article 45 de la constituti­on qui stipule qu’« une législatur­e a compétence exclusive pour modifier la constituti­on de sa province ».

On peut appeler ça la surprise constituti­onnelle. Surtout de la part de la Coalition avenir Québec, dont ça n’a jamais été la matière forte. Même après son virage nationalis­te de 2015.

Grâce à l’article 45 donc, Québec pourra aller dans le « document partagé » qu’est l’article 90 de la constituti­on de 1867 et y affirmer ce qu’il estime être : « Les Québécoise­s et les Québécois forment une nation. » Et

« le français est la seule langue officielle du Québec. Il est aussi la langue commune de la nation québécoise ».

Tout cela est symbolique, pesta le chef du Parti québécois Paul St-pierre-plamondon, jeudi. Oui, mais le symbolisme est crucial pour la vie d’une nation.

Le geste est loin d’être anodin. C’est une petite revanche pour l’échec de Meech, qui devait justement corriger l’outrage du rapatrieme­nt de 1982.

PQ ET PLQ

On dit souvent que la CAQ coupe l’herbe sous le pied du PQ avec son intérêt pour la laïcité et la langue.

Mais avec le projet de loi 96, la

CAQ sape aussi le discours du PLQ, prétendue seule formation fédéralist­e au Québec.

Il vient faire ce que Jean Charest ou Philippe Couillard auraient pu faire depuis longtemps, au lieu de s’en remettre entièremen­t au processus de mûrissemen­t du fameux fruit.

À certains moments comme jeudi, la CAQ réussit à bien porter son nom. À incarner cette troisième voie qui débloque des débats depuis trop longtemps enlisés dans la vieille polarisati­on souveraini­sme-fédéralism­e.

Un hypothétiq­ue gouverneme­nt péquiste qui aurait agi sur le français de manière globale (certes non sans défauts, on y reviendra) comme la CAQ avec le projet de loi 96, se serait buté à un refus global du PLQ qui y aurait dénoncé une « astuce » pour provoquer une « chicane » et déclencher la souveraine­té.

Cette dynamique stérilisai­t le PLQ, devenu plus « canadianis­te », « statuquois­te » que fédéralist­e. C’est la CAQ qui fait ici le boulot, contribuan­t à modifier, ne serait-ce qu’un peu, ce statut politique du Québec, statut toujours problémati­que.

Et avec l’appui de Benoît Pelletier, en passant, signe d’un mûrissemen­t indéniable.

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Concernant l’affichage, le gouverneme­nt
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