Une loi pour la survie du français
Le gouvernement Legault dévoile sa vaste réforme pour éviter la disparition peuple francophone du Québec
En dévoilant hier une vaste réforme de la loi 101, François Legault a plaidé l’urgence de renforcer la place du français au travail, en éducation et dans l’administration de l’état, afin d’éviter la lente disparition du peuple francophone au Québec.
Le premier ministre a présenté le projet de loi 96 comme « le geste le plus fort » en matière de protection des droits linguistiques depuis la création de la Charte de la langue française en 1977.
« Donc, 44 ans plus tard, un gouvernement nationaliste prend le relais du gouvernement Lévesque pour présenter une nouvelle loi 101. Puis je le dis en toute modestie, vous savez mon admiration pour René Lévesque », a-t-il déclaré en conférence de presse. Pour le chef caquiste, il y a péril en la demeure.
« Notre langue sera toujours vulnérable. Si on ne la protège pas, si on ne se donne pas des remparts, il y a un risque, on ne sait pas dans combien d’années, mais effectivement que nos enfants, nos petits-enfants ne parlent plus français », a-t-il déclaré. D’ailleurs, il a justifié l’utilisation de la clause dérogatoire – qui mettra la réforme à l’abri des tribunaux – en affirmant que « le fondement même de notre existence comme peuple francophone en Amérique est en jeu ».
À ses côtés, le ministre responsable du dossier, Simon Jolin-barrette, a rappelé que la loi originale de Camille Laurin a été graduellement affaiblie par des recours judiciaires.
AFFICHAGE
Mais Québec n’ira pas jusqu’à imposer aux commerces l’affichage unilingue français, comme l’avait fait le gouvernement Lévesque à l’époque. Plaidant le « compromis », le gouvernement caquiste exigera plutôt la présence d’une « nette prédominance » d’éléments en français pour accompagner une marque de commerce anglophone.
« Si, par exemple, vous avez Canadian Tire, les mots “centre de rénovation” devront être un peu plus gros », a illustré M. Legault. Les entreprises visées disposeront de trois ans pour faire la modification.
Autre mesure importante, Québec gèlera le nombre d’étudiants admis dans les cégeps anglophones au niveau de 2019-2020.
Par la suite, la croissance ne pourra excéder 8,7 % de la hausse totale des nouvelles places dans l’ensemble du réseau collégial, ce qui représente la part des élèves de langue anglaise au primaire et au secondaire.
D’ailleurs, cette minorité anglophone historique aura préséance lors des admissions dans les cégeps de langue anglaise, afin de respecter leurs droits historiques.
La formule fait en sorte que la proportion de places dans le réseau anglophone diminuera graduellement par rapport à son pendant francophone.
PAS D’AFFRONTEMENT LINGUISTIQUE
Au total, la réforme comprend près de 25 mesures majeures et 201 articles, notamment pour assurer le droit de travailler et de se faire servir en français ( voir page 6).
Pour autant, François Legault assure qu’il ne souhaite pas relancer le débat linguistique ou empiéter sur les droits de la minorité historique.
Le premier ministre a qualifié sa réforme de « raisonnable ». « J’ai construit le projet de loi pour protéger les droits de la communauté anglophone, protéger les droits des nations autochtones, a pour sa part assuré le ministre Jolin-barrette. Alors, ce n’est pas le français en opposition à l’anglais, c’est vraiment : on valorise le français, on protège la langue française sans enlever des droits à la communauté d’expression anglaise. »
Le Québec inscrira aussi sa spécificité française dans la constitution.
« Premièrement, que les Québécois forment une nation, et deuxièmement que la langue officielle au Québec, c’est le français », a indiqué Simon Jolin-barrette.