Le Journal de Quebec

Overdose de stress et d’anxiété

- RÉJEAN TREMBLAY rejean.tremblay@quebecorme­dia.com

Demain, Alexandre Gaumont va quitter le vestiaire des boxeurs et marcher vers le ring. Il n’y aura pas de cris, et seules les caméras de Punching Grace vont suivre sa démarche.

Évidemment qu’alexandre Gaumont va être nerveux. Il s’y attend. Il espère sentir l’adrénaline couler dans ses veines. Un combat de boxe, c’est toujours une bouffée de stress.

Encore plus quand c’est un premier combat profession­nel.

Alexandre a 25 ans. Tard pour un premier combat. Mais tellement tôt dans une vie handicapée par des crises d’anxiété qui étaient en train de démolir le jeune boxeur en forme qu’il était à 18 ans.

« Avant que je puisse être médicament­é, j’étais tellement stressé, tellement étouffé par l’anxiété que je marchais vers le ring en regardant le sol. Je n’aurais jamais été capable de regarder les gens ; j’étais convaincu qu’ils allaient rire de moi si je les regardais. J’avais une peur épouvantab­le de les décevoir, j’étais comme dans un étau », se rappelle le solide gaillard de Buckingham. La patrie de Gaétan Hart.

UNE ÉPOUVANTAB­LE ANXIÉTÉ

Alexandre Gaumont est un brillant espoir pour Camille Estephan et Eye of The Tiger Management. Il a pu livrer 26 combats, remporter 24 victoires… dont 19 par knock-out. Un ratio phénoménal chez les amateurs.

Alexandre a toujours eu la boxe dans le sang. Son père Marcellin l’a initié au sport dans le gymnase installé dans le sous-sol de la demeure familiale. Il avait cinq ou six ans et déjà, il échangeait des coups avec son père.

Jusque-là, tout était parfait. La boxe était un loisir et la vie était facile :

« Puis un jour, mon père m’a dit que dans un mois, j’allais livrer un premier combat. J’avais 17 ans. Ç’a été presque instantané. L’anxiété m’a envahi. Un terrible stress qui me paralysait. Je n’ai pas été capable de dormir et tout le reste du mois, j’étais tellement stressé que j’étais quasiment non fonctionne­l. C’était effrayant. Pourtant, j’aimais la boxe, j’aimais m’entraîner, mais de savoir qu’un combat m’attendait, je souffrais d’une anxiété atroce », raconte Gaumont.

UN GRAND COURAGE

Cette anxiété ne s’amenuisait pas. Au contraire : « Je pense que les galas me stressaien­t encore plus que les tournois amateurs. L’anxiété était tellement épouvantab­le que je ne dormais pratiqueme­nt pas pendant le mois précédant un combat. Je me traînais au travail, complèteme­nt épuisé. À un moment donné, et pourtant je suis vaillant, j’ai été deux semaines sans pouvoir me rendre sur les chantiers de constructi­on. On aurait dit que j’étais dans un autre monde, dans un brouillard », raconte Gaumont.

À un moment donné, sa mère s’en est mêlée. C’est elle qui a fait le lien entre cette anxiété maladive et la boxe. Elle l’a convaincu d’abandonner sa carrière pendant un an. Mais après cette rupture, la boxe lui manquait et le jeune homme a décidé de tenter sa chance une autre fois.

Avec le même résultat. Un stress poignant, une anxiété qui lui serrait le ventre et tournait la tête : « C’est encore ma mère qui a pris les devants. Elle m’a accompagné chez une docteure et j’ai raconté l’enfer que je vivais à toutes les fois que je me retrouvais confronté à un combat à livrer. La docteure m’a prescrit un médicament et après quelques ajustement­s, la médication a fini par neutralise­r cette anxiété. J’ai pu commencer à revivre. C’est sûr que ce n’était pas toujours évident, mais j’ai fait des progrès dans ma démarche et j’ai réalisé que je pouvais maintenant fonctionne­r dans ma vie », de dire Gaumont.

La médication a sans doute engourdi le mal. Mais Alexandre n’a pas tenté de savoir quelle pouvait être la source de son état. Le plaisir de vivre lui suffit.

UN DÉMOLISSEU­R

Il a livré ses dix derniers combats amateurs dans une meilleure dispositio­n physique et mentale. Et il a démoli ses adversaire­s.

C’est d’ailleurs son vrai métier dans la constructi­on : « Je fais de la démolition. Quand on rentre dans un projet, dépendant des exigences, on démolit avec des machines ou à la grosse masse. C’est un emploi très dur physiqueme­nt. Chose certaine, ça tient en forme », dit-il en souriant. Enfin détendu.

Il faut le souligner. Fut un temps où Alexandre n’aurait sans doute pas été capable de donner une entrevue dans la semaine d’un combat. Il aurait été rongé par le stress : « Là, ça va. Ça me stressait un peu de donner une entrevue, mais ça s’endure », a-t-il dit avec une voix… calme.

Alexandre Gaumont est très fier du chemin parcouru. D’ailleurs, il a parlé de son état, de son véritable handicap, de cette anxiété paralysant­e parce que son histoire pourra peut-être aider un autre jeune à consulter, à chercher de l’aide…

À desserrer l’étau. À libérer l’esprit et les poings…

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PHOTO EOTM Alexandre Gaumont.
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