Le Journal de Quebec

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire

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François Legault domine notre scène politique comme personne ne l’a dominée depuis longtemps.

Avant lui, nos premiers ministres faisaient habituelle­ment face à un grand parti d’opposition aguerri dont ils devaient se méfier.

François Legault fait face à une opposition divisée, laminée, la plus faible depuis longtemps.

Il n’est absolument pas menacé. Il n’y a aucun danger devant lui.

SEUL

Le PLQ est devenu le parti des anglophone­s et des allophones.

Le PQ est aux soins intensifs ; palliatifs, diront certains.

Le socialisme et le sectarisme de QS sont à des années-lumière du sentiment majoritair­e.

Il faudrait un stupéfiant renverseme­nt de situation pour que la CAQ ne soit pas réélue l’an prochain.

Bref, François Legault dispose d’un capital politique comparable à ceux de René Lévesque en 1976 et de Jean Lesage en 1960.

Or, cet immense capital politique, il s’en sert pour livrer le strict minimum.

Il est vrai que c’est mieux que rien après les désolantes années Charest-couillard.

Mais, justement, on échappe difficilem­ent à l’impression que le premier ministre sait qu’on se satisfera de peu en raison du désert que nous venons de traverser.

J’y vois une formidable occasion gaspillée.

François Legault est en position, s’il le voulait, de faire advenir la troisième révolution tranquille, après celle de Jean Lesage et celle de René Lévesque.

Sa coalition hétéroclit­e le contraint à la prudence ? Allons donc !

Ses députés, qu’ils soient fédéralist­es ou souveraini­stes, n’existeraie­nt pas sans lui, lui doivent tout, et le suivront où qu’il aille.

Il est vrai que la pandémie est venue bouleverse­r les plans. Mais ceux-ci étaient-ils si ambitieux en premier lieu ?

La loi sur la laïcité est d’une extrême modération si on la compare à des législatio­ns similaires dans d’autres pays.

La réforme linguistiq­ue contient de bons éléments, mais manque cruellemen­t d’ambition. Les parallèles avec Camille Laurin sont risibles.

Pour que cesse le recul du français, dans un contexte où l’on ne réduit pas l’immigratio­n, il faudrait que

90 % des allophones finissent par vivre en français, ce qu’on appelle un transfert linguistiq­ue.

Ce taux est présenteme­nt de 53 %. Il n’y a rien dans la réforme proposée d’assez fort pour atteindre le seuil requis.

La CAQ voulait faire de l’éducation son chantier prioritair­e. Quelqu’un estil impression­né ?

Qu’on ne me comprenne pas de travers : si une élection avait lieu demain matin, la CAQ serait réélue sans difficulté et le mériterait largement.

Mais elle pourrait faire tellement plus…

On échappe difficilem­ent à l’impression que le premier ministre sait qu’on se satisfera de peu en raison du désert que nous venons de traverser

AMBITION

François Legault est déjà assuré de passer à l’histoire.

Au minimum, on retiendra de lui qu’il était aux commandes pendant notre pire crise sanitaire.

On retiendra aussi qu’il a mis fin au duopole PLQ-PQ, exploit facilité par un PLQ qui a trahi son histoire et par un PQ qui traîne comme une croix ses deux échecs référendai­res.

Je ne lui demande pas de faire la souveraine­té, mais de nous offrir un nationalis­me plus robuste et moins symbolique.

Il y a quelque chose de terribleme­nt frustrant à voir aller ce gouverneme­nt.

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