Permettez à nos éducatrices d’espérer mieux pour une fois
Monsieur le Premier ministre,
Je m’adresse à vous, car depuis plus d’une année, je lis vos chroniques, je prends note de vos suggestions de lectures, et je vous écoute assidûment.
J’ai même pris modèle sur vous à certains égards : après tout, si le premier ministre a le temps de nous écrire et de s’adresser à nous si souvent, je m’y suis mise moi aussi. J’ai appris à manier les Zoom, Teams, Meet et Facebook live pour mes employées. Je dis « mes employées », car j’ai le sentiment que je leur dois de m’adresser à elles, elles qui ont été un phare pour de nombreuses familles québécoises. Je dis « elles » parce que dans mon milieu, ce sont essentiellement des « elles » qui y travaillent.
Je vous le dis d’emblée, je n’ai pas voté pour vous. Votre programme ne m’a pas emballée du tout. Mais je ne m’éterniserai pas là-dessus ; au contraire, je sais reconnaître le travail accompli. Je souligne les efforts colossaux que vous avez faits dans différents dossiers, ainsi que le travail remarquable dans la gestion de la crise sanitaire actuelle.
J’ai apprécié votre franchise et votre capacité à vous remettre en question, notamment sur le dossier des préposés aux bénéficiaires.
Moi, je crois que l’on reconnaît les grandes personnes à leur capacité à ne pas faire deux fois la même erreur. Comprenez-moi bien, se tromper, c’est humain ; ça nous arrive tous. Commettre deux fois la même erreur, c’est inconséquent.
DES EMPLOYÉES EXCEPTIONNELLES
Je ne vous ai pas encore mentionné ce que je fais comme travail : je suis directrice générale d’un centre de la petite enfance. Pas n’importe lequel : un merveilleux centre de la petite enfance ! Un milieu où l’ensemble des « Elles » qui y travaillent sont qualifiées.
Elles sont aussi en formation continue pour offrir des projets des plus novateurs pour les enfants et les familles qui côtoient notre milieu. Elles sont motivées, curieuses, impliquées et soucieuses du bien-être des enfants qui leur sont confiés.
Dans mon milieu, le 13 mars 2020, lorsque nous apprenions que les
CPE allaient fermer leurs portes, elles ont toutes demandé à être en poste pour nos familles.
Le samedi 14 mars, elles étaient toutes sur place à organiser le service que nous allions mettre en oeuvre dès le lundi suivant. En fait, ce n’est pas compliqué : elles donnent avant même de recevoir ; c’est dans leur nature.
Je constate l’ampleur du travail qu’elles accomplissent. Elles sont non seulement essentielles, mais exceptionnelles.
CONDITIONS SALARIALES
Comment puis-je passer sous silence la précarité salariale dans laquelle nous leur demandons d’exercer leur travail ?
Des joutes syndicales, patronales et gouvernementales s’amorcent, dans lesquelles éclatent des chicanes sur fond de congés, de vacances de temps d’encadrement pédagogique... Sérieusement, le noeud du problème, c’est le salaire ! Qui en 2021 a envie d’aller étudier pour espérer gagner à peine 40 000 $ après 10 ans de service ? Honnêtement, avant de rémunérer des étudiants pour devenir éducateur, il faudrait peut-être s’assurer que ceux déjà en poste restent.
Monsieur le Premier ministre, vous avez déjà commis cette erreur auprès des préposés aux bénéficiaires. Je vous demande de ne pas la répéter. Redonnez les lettres de noblesse à cette profession essentielle, et permettez à nos éducatrices d’espérer mieux, pour une fois.
Moi, j’ai espoir que nous serons capables de reconnaître et d’ajuster le tir. Vous signez vos messages « Votre premier ministre ». Je souhaite sincèrement que vous soyez le premier ministre de toutes ces éducatrices, « Elles » qui ont tant besoin de vous actuellement.