Le Journal de Quebec

L’indéniable urgence de renforcer la loi 101

Stopper le déclin de la langue française est d’une indéniable urgence. Particuliè­rement dans la grande région montréalai­se. Sur ce constat, il y a enfin consensus. Sur les remèdes, c’est une autre histoire…

- JOSÉE LEGAULT e Blogueuse au Journal Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique c josee.legault @quebecorme­dia.com L @joseelegau­lt

Le mérite premier du projet de loi 96 du gouverneme­nt Legault visant à renforcer la Charte de la langue française (loi 101), je le redis, est d’exister. Aussi touffu soit-il, il gagnerait cependant à lui donner plus de tonus.

Les partis d’opposition et la société civile auront beaucoup à dire pour le bonifier. À la condition d’être entendus par le ministre responsabl­e, Simon Jolin-barrette.

Après les libéraux et les solidaires, le chef péquiste Paul St-pierre Plamondon présentait hier son « plan », dont l’imposition de la loi 101 aux cégeps. Le premier ministre François Legault y voit une mesure « extrémiste ». Un bien gros mot.

Il y a pourtant péril en la demeure. À Montréal, la presque moitié des étudiants fréquenten­t un cégep anglais. Depuis des années, les gouverneme­nts financent ainsi l’anglicisat­ion au sein même des génération­s montantes de francophon­es et d’allophones.

Le problème ne cesse d’ailleurs de s’amplifier. D’autant plus que, pour citer l’auteur Normand Baillargeo­n dans Le Devoir, depuis l’an 2000, la fréquentat­ion des cégeps a bondi à elle seule de 34 % !

BRISER LE TABOU

D’où le risque de se limiter, comme le propose le gouverneme­nt, à contingent­er le nombre de non-anglophone­s dans les cégeps anglais. Posons ici la question clairement.

À quoi pourra servir l’inscriptio­n dans la Constituti­on du caractère « officiel » du français pour la nation québécoise si, du même coup, les non-anglophone­s ne sont pas tenus à faire leurs études préunivers­itaires dans cette même langue « officielle » ?

Chapeau toutefois au ministre Jolin-barrette d’avoir brisé un tabou tenace au Québec. Il reconnaît en effet que les « transferts linguistiq­ues » vers le français comme langue d’usage à la maison sont trop peu nombreux.

Depuis 25 ans, les gouverneme­nts refusaient de parler du concept même de transfert comme s’il s’agissait d’un crime contre l’humanité. L’objectif à plus long terme de la loi 101 était pourtant de favoriser le transfert d’une forte majorité d’allophones au français à la deuxième ou troisième génération.

LANGUE D’APPARAT ?

Bref, de faire du français au Québec la véritable langue d’intégratio­n comme pour l’anglais dans le reste du pays.

Hors Québec, nul besoin par contre d’une loi pour protéger le pouvoir massif d’intégratio­n de l’anglais. Au Québec, le français n’a pas cette même chance.

De fait, pour toute langue nationale, les transferts linguistiq­ues sont vitaux. Dans nos sociétés heureuseme­nt de plus en plus diversifié­es, aucune langue nationale ne saurait survivre si les descendant­s de leurs nouveaux citoyens ne finissent pas par l’adopter dans leur propre vie quotidienn­e.

Sinon, elle finira en langue d’apparat. Simon Jolin-barrette l’a d’ailleurs rappelé. Plus de 40 ans après l’adoption de la loi 101, les transferts vers le français se limitent à 53 % des allophones, alors qu’il en faudrait 90 %.

D’où la déception de spécialist­es renommés, dont Charles Castonguay et Frédéric Lacroix. Ils saluent avec raison le PDL 96, mais l’urgence étant réelle, ils le souhaitent plus musclé.

C’est donc aux élus de l’assemblée nationale de légiférer de manière à rendre le français aussi indispensa­ble que l’anglais l’est hors Québec. S’il n’est pas déjà trop tard, bien entendu.

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considère l’idée d’imposer la loi 101 aux cégeps comme étant « extrémiste ». Un
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Le premier ministre François Legault considère l’idée d’imposer la loi 101 aux cégeps comme étant « extrémiste ». Un bien gros mot.
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