L’indéniable urgence de renforcer la loi 101
Stopper le déclin de la langue française est d’une indéniable urgence. Particulièrement dans la grande région montréalaise. Sur ce constat, il y a enfin consensus. Sur les remèdes, c’est une autre histoire…
Le mérite premier du projet de loi 96 du gouvernement Legault visant à renforcer la Charte de la langue française (loi 101), je le redis, est d’exister. Aussi touffu soit-il, il gagnerait cependant à lui donner plus de tonus.
Les partis d’opposition et la société civile auront beaucoup à dire pour le bonifier. À la condition d’être entendus par le ministre responsable, Simon Jolin-barrette.
Après les libéraux et les solidaires, le chef péquiste Paul St-pierre Plamondon présentait hier son « plan », dont l’imposition de la loi 101 aux cégeps. Le premier ministre François Legault y voit une mesure « extrémiste ». Un bien gros mot.
Il y a pourtant péril en la demeure. À Montréal, la presque moitié des étudiants fréquentent un cégep anglais. Depuis des années, les gouvernements financent ainsi l’anglicisation au sein même des générations montantes de francophones et d’allophones.
Le problème ne cesse d’ailleurs de s’amplifier. D’autant plus que, pour citer l’auteur Normand Baillargeon dans Le Devoir, depuis l’an 2000, la fréquentation des cégeps a bondi à elle seule de 34 % !
BRISER LE TABOU
D’où le risque de se limiter, comme le propose le gouvernement, à contingenter le nombre de non-anglophones dans les cégeps anglais. Posons ici la question clairement.
À quoi pourra servir l’inscription dans la Constitution du caractère « officiel » du français pour la nation québécoise si, du même coup, les non-anglophones ne sont pas tenus à faire leurs études préuniversitaires dans cette même langue « officielle » ?
Chapeau toutefois au ministre Jolin-barrette d’avoir brisé un tabou tenace au Québec. Il reconnaît en effet que les « transferts linguistiques » vers le français comme langue d’usage à la maison sont trop peu nombreux.
Depuis 25 ans, les gouvernements refusaient de parler du concept même de transfert comme s’il s’agissait d’un crime contre l’humanité. L’objectif à plus long terme de la loi 101 était pourtant de favoriser le transfert d’une forte majorité d’allophones au français à la deuxième ou troisième génération.
LANGUE D’APPARAT ?
Bref, de faire du français au Québec la véritable langue d’intégration comme pour l’anglais dans le reste du pays.
Hors Québec, nul besoin par contre d’une loi pour protéger le pouvoir massif d’intégration de l’anglais. Au Québec, le français n’a pas cette même chance.
De fait, pour toute langue nationale, les transferts linguistiques sont vitaux. Dans nos sociétés heureusement de plus en plus diversifiées, aucune langue nationale ne saurait survivre si les descendants de leurs nouveaux citoyens ne finissent pas par l’adopter dans leur propre vie quotidienne.
Sinon, elle finira en langue d’apparat. Simon Jolin-barrette l’a d’ailleurs rappelé. Plus de 40 ans après l’adoption de la loi 101, les transferts vers le français se limitent à 53 % des allophones, alors qu’il en faudrait 90 %.
D’où la déception de spécialistes renommés, dont Charles Castonguay et Frédéric Lacroix. Ils saluent avec raison le PDL 96, mais l’urgence étant réelle, ils le souhaitent plus musclé.
C’est donc aux élus de l’assemblée nationale de légiférer de manière à rendre le français aussi indispensable que l’anglais l’est hors Québec. S’il n’est pas déjà trop tard, bien entendu.