De très mauvais gagnants
Au Canada anglais, dès qu’un gouvernement du Québec pose un geste un tant soit peu soidisant nationaliste, les chemises se déchirent à n’en plus finir. Dans les médias et chez certains juristes, les hauts cris habituels fusent contre ce présumé « crime » de lèse- canadiosité.
Leur dernière cible est le projet de loi 96 du gouvernement Legault visant à renforcer la loi 101. Le premier « scandale » est la modification unilatérale de la Constitution de 1867 qu’il propose par l’ajout suivant : « Les Québécoises et les Québécois forment une nation. Le français est la seule langue officielle du Québec. Il est aussi la langue commune de la nation québécoise. »
Le deuxième « scandale » est la réaction du premier ministre Justin
Trudeau. À la surprise générale, il a reconnu le droit du Québec à « modifier une partie de la Constitution ». Le même droit s’appliquant d’ailleurs aux autres provinces.
Il n’en fallait pas plus. Chroniqueurs et juristes anglophones accusent Justin Trudeau de trahir le long combat acharné de son père, feu
Pierre Elliott Trudeau, contre toute forme de nationalisme au Québec.
Ce même nationalisme qu’ils accusent à tout coup d’intolérance atavique face aux minorités, dont la communauté anglo-québécoise. Aucun moyen d’en débattre rationnellement. Hors Québec et au sein du leadership anglo-québécois, la réaction est pavlovienne et l’inquisition, instantanée.
Comme quoi l’évangile selon SaintPierre-elliott appelant le Canada à combattre toute affirmation nationale du Québec – au lieu de l’accommoder au sein de la fédération – a bel et bien forgé la culture politique canadienne pour de bon.
PLUS ÇA CHANGE…
Est-ce du mépris ? De la francophobie ? C’est au choix. Plus ça change, plus c’est pareil. Dans ce dernier chapitre, l’ironie de la situation atteint toutefois des proportions hallucinantes.
Ceux qui montent aux barricades contre l’intention du gouvernement Legault de modifier unilatéralement la Constitution pour un article sont les mêmes qui, depuis 1982, se prosternent devant le rapatriement tout aussi unilatéral de la Constitution sous Trudeau père, sans la signature du Québec.
Non seulement ils l’applaudissent, ils y voient même l’« acte fondateur » du Canada moderne. L’exclusion du Québec les laisse tout à fait indifférents.
Aujourd’hui, ces mêmes dévots de l’unilatéralisme de Trudeau père conspuent celui proposé par François Legault. Et ce, même s’il s’annonce beaucoup moins conséquent en termes juridiques et politiques que l’adoption en 1982 d’une nouvelle Constitution pour le Canada.
À la surprise générale, Justin Trudeau reconnaît le droit du Québec à « modifier une partie de la Constitution ». Le même droit s’appliquant d’ailleurs aux autres provinces.
MALGRÉ LEUR VICTOIRE
Ces mêmes adeptes de 1982 se comportent ainsi comme si la Constitution canadienne leur appartenait en exclusivité. Serait-ce là une forme de suprémacisme constitutionnel ? Comble d’indignation pour eux,
Justin Trudeau, l’héritier doré, ose maintenant s’en détacher.
Il le fait, certes, en partie par électoralisme dans sa province, mais avant tout, parce que la « menace séparatiste » s’est évaporée. Donc, nul besoin de lutter autant lorsque l’intégrité du pays ne risque plus rien.
La morale de cette histoire ? Malgré la mort téléguidée des accords de Meech et Charlottetown, la victoire du Non en 1995, le déclin du français et un souverainisme à l’agonie, au Canada anglais, les mauvais gagnants sont encore nombreux.
Eh oui ! Dans la vie, il y a de mauvais perdants, mais il y a aussi de mauvais gagnants. D’où leur entêtement à ne rien céder. Jamais. À ceuxlà, dans leur langue, il ne reste plus qu’à dire ceci.
Look folks. You’ve won. Québec isn’t separating. The PQ is down for the count and François Legault is no longer a separatist. Got it? So don’t be such sore winners. Just once in a while, give a little.