Le Canada frustré
Un sentiment anti-québec monte au Canada anglais depuis que Justin Trudeau a reconnu que le Québec pouvait modifier lui-même la clause Québec de la Constitution. Ce débat politique pourrait teinter fortement la prochaine élection fédérale.
Trente ans après l’échec de l’accord du lac Meech, nous voici replongés dans les mêmes débats. Meech voulait reconnaître le Québec comme une société distincte. Le résultat fut un NON in extremis du Canada. La chose fut vécue comme une humiliation au Québec, une humiliation qui a laissé des traces.
À lire les réactions à l’initiative québécoise d’inscrire le Québec comme nation dans la Constitution aujourd’hui, j’ai une curieuse impression.
Comme s’ils avaient été quelquesuns au Canada anglais à jouir de l’expérience de dire un beau gros NON au Québec.
Comme si on trouvait une satisfaction dans ce pouvoir de la majorité de refuser son consentement. Quitte à trahir les principes fondateurs de ce pays qui fut un compromis entre deux nations.
Le Canada anglais en veut à Justin Trudeau de ne pas prendre de front le nationalisme de Legault.
L’APPROCHE LEGAULT
Le gouvernement Legault a changé la donne. Cette fois, le Québec s’affirme sans demander de permission. Dans la loi sur la laïcité comme dans la récente loi 96 sur le français, le Québec se définit par lui-même. Le Québec n’est dans une position attentiste ni dans une position de demandeur. Il avance avec une maturité et une confiance nouvelles : ce que certains appellent un nationalisme décomplexé.
Et c’est peut-être ça au fond qui frustre le reste du Canada. Voir le Québec agir avec confiance. Ne plus sentir que le Québec se présente en demandeur qu’on a le privilège de renvoyer bredouille.
Cette frustration est en train de se retourner contre Justin Trudeau. Le National Post est allé assez loin hier. En gros caractères, photos à l’appui, on y comparait Justin Trudeau à son père. Le propos : l’un des Trudeau combattait les nationalistes québécois, l’autre les courtise. Le quotidien torontois est nostalgique du mépris avec lequel Pierre Elliott Trudeau traitait la volonté d’affirmation des Québécois.
PIERRE ELLIOTT TRUDEAU
Les gens du Post semblent oublier quelques détails historiques. Pierre Elliott Trudeau a certainement eu un succès électoral au Québec, malgré son affrontement avec René Lévesque. Mais à son départ, il a laissé un Canada désuni. Le Québec n’a pas signé sa Constitution de 1982 et son approche de confrontation a tracé le chemin pour le référendum de 1995 où le Canada est passé à un demi pour cent d’éclater.
Le Québec a changé. Le mouvement souverainiste ne déplace plus les foules. Ceux qui dans le reste du Canada interprètent la chose comme une érosion du nationalisme se trompent. Le nationalisme s’exprime différemment, mais il est probablement plus fort que jamais. Sous François Legault, l’affirmation prend forme, les projets de loi sont adoptés et on suggère maintenant un changement constitutionnel.
Le Québec ne demande pas la permission au Canada anglais. Mais si jamais un mouvement anti-québec venait se placer en travers de notre route, ce Québec décomplexé pourrait réagir d’une façon que nous n’avons jamais vue.