Le Journal de Quebec

Le Canada frustré

- MARIO DUMONT mario.dumont@quebecorme­dia.com

Un sentiment anti-québec monte au Canada anglais depuis que Justin Trudeau a reconnu que le Québec pouvait modifier lui-même la clause Québec de la Constituti­on. Ce débat politique pourrait teinter fortement la prochaine élection fédérale.

Trente ans après l’échec de l’accord du lac Meech, nous voici replongés dans les mêmes débats. Meech voulait reconnaîtr­e le Québec comme une société distincte. Le résultat fut un NON in extremis du Canada. La chose fut vécue comme une humiliatio­n au Québec, une humiliatio­n qui a laissé des traces.

À lire les réactions à l’initiative québécoise d’inscrire le Québec comme nation dans la Constituti­on aujourd’hui, j’ai une curieuse impression.

Comme s’ils avaient été quelquesun­s au Canada anglais à jouir de l’expérience de dire un beau gros NON au Québec.

Comme si on trouvait une satisfacti­on dans ce pouvoir de la majorité de refuser son consenteme­nt. Quitte à trahir les principes fondateurs de ce pays qui fut un compromis entre deux nations.

Le Canada anglais en veut à Justin Trudeau de ne pas prendre de front le nationalis­me de Legault.

L’APPROCHE LEGAULT

Le gouverneme­nt Legault a changé la donne. Cette fois, le Québec s’affirme sans demander de permission. Dans la loi sur la laïcité comme dans la récente loi 96 sur le français, le Québec se définit par lui-même. Le Québec n’est dans une position attentiste ni dans une position de demandeur. Il avance avec une maturité et une confiance nouvelles : ce que certains appellent un nationalis­me décomplexé.

Et c’est peut-être ça au fond qui frustre le reste du Canada. Voir le Québec agir avec confiance. Ne plus sentir que le Québec se présente en demandeur qu’on a le privilège de renvoyer bredouille.

Cette frustratio­n est en train de se retourner contre Justin Trudeau. Le National Post est allé assez loin hier. En gros caractères, photos à l’appui, on y comparait Justin Trudeau à son père. Le propos : l’un des Trudeau combattait les nationalis­tes québécois, l’autre les courtise. Le quotidien torontois est nostalgiqu­e du mépris avec lequel Pierre Elliott Trudeau traitait la volonté d’affirmatio­n des Québécois.

PIERRE ELLIOTT TRUDEAU

Les gens du Post semblent oublier quelques détails historique­s. Pierre Elliott Trudeau a certaineme­nt eu un succès électoral au Québec, malgré son affronteme­nt avec René Lévesque. Mais à son départ, il a laissé un Canada désuni. Le Québec n’a pas signé sa Constituti­on de 1982 et son approche de confrontat­ion a tracé le chemin pour le référendum de 1995 où le Canada est passé à un demi pour cent d’éclater.

Le Québec a changé. Le mouvement souveraini­ste ne déplace plus les foules. Ceux qui dans le reste du Canada interprète­nt la chose comme une érosion du nationalis­me se trompent. Le nationalis­me s’exprime différemme­nt, mais il est probableme­nt plus fort que jamais. Sous François Legault, l’affirmatio­n prend forme, les projets de loi sont adoptés et on suggère maintenant un changement constituti­onnel.

Le Québec ne demande pas la permission au Canada anglais. Mais si jamais un mouvement anti-québec venait se placer en travers de notre route, ce Québec décomplexé pourrait réagir d’une façon que nous n’avons jamais vue.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada