3e lien : comme un autre Stade olympique
Le pont de l’île-aux-tourtes, sur lequel 87 000 véhicules passent quotidiennement, a été fermé d’urgence hier par le ministère des Transports du Québec.
Il devenait risqué pour ses utilisateurs !
Quand j’ai appris ça, j’ai tout de suite pensé à l’aspect déraisonnable que représente le projet du « 3e lien » que le gouvernement Legault a annoncé en grande pompe lundi.
DMA
Notamment à cause de ce qu’on appelle poétiquement, dans le budget de dépenses du Québec, le « déficit d’entretien des actifs » (DMA). Il fut évalué, lors du dépôt du budget en mars – tenez-vous bien – à 27,7 milliards $ !
Nos actifs sont donc en mauvais état, entre autres parce qu’ils ont tous été construits à la même époque et atteignent leur fin de vie utile simultanément. C’est « nos routes en déroutes », selon la formule du Journal.
Le chiffre de 27,7 milliards $ se décline ainsi : 5,2 pour le réseau de l’éducation ; 4,5 pour les hôpitaux, universités, etc. Et la pièce de résistance : 17,9 pour le réseau routier seulement !
Or, selon ce qu’on apprenait en mars, Québec prévoit ne combler que 78 % de ce déficit dans la prochaine décennie. Il manque donc presque 7 milliards $.
Dans la décennie où l’on construira le tunnel de 10 milliards $ qu’est le 3e lien, le « DMA » constaté cette année ne sera donc pas renfloué entièrement. Et certaines autres infrastructures nouvelles commenceront à se dégrader.
Autrement dit, attendez-vous à subir d’autres fermetures du type l’île-aux-tourtes.
Sur le territoire du Québec, qui est gigantesque, il y a 31 000 km de route ainsi que quelque 9700 structures. À l’occasion, un gouvernement nous dit qu’il cessera d’ajouter des infrastructures et qu’il s’emploiera prioritairement à régler le déficit d’entretien. Mais la nature revient au galop et les promesses d’ajouts se multiplient.
CHARETTE
En mars 2018, Le Journal avait révélé que le déficit d’entretien routier était de 14,7 milliards $ : la moitié des routes du Québec étaient considérées en mauvais état.
Le critique en Transport pour la CAQ, alors deuxième parti d’opposition, était Benoît Charette, actuel ministre de l’environnement. Il plaidait alors de manière très pertinente pour que les coûts d’entretien des infrastructures soient désormais prévus dans le budget initial.
Je n’ai rien vu de tel dans l’annonce du 3e lien lundi. Vous ? C’est pourtant un projet « pour 100 ans ». Au contraire, la portion sur les coûts était d’un flou consommé.
Sans avoir démontré son utilité, le gouvernement va de l’avant. Fait une « gageure », pour reprendre le mot du premier ministre. « Ça coûtera ce que ça voudra », avait déjà dit un ministre.
OLYMPIQUE
À l’occasion, un gouvernement nous dit qu’il cessera d’ajouter des infrastructures et qu’il s’emploier a prioritairement à régler le défici t d’entretien. Mais la nature revient au galop et les promesses d’ajouts se multiplient.
Il y a des parallèles à faire avec l’aventure olympique montréalaise de 1976.
On a payé un stade pratiquement inutile – à part peut-être pour la vaccination en pandémie ! – pendant 31 ans, en nourrissant le Fonds spécial olympique : 2,4 milliards $ au total. Si l’on ajoute le Parc olympique, c’est 3,52 milliards $. Soit 7,8 en dollars d’aujourd’hui, écrivait Michel Girard en 2018.
Voilà de l’argent qui aurait été bien utile pour entretenir les infrastructures de Montréal, lesquelles ont tellement été négligées ces dernières décennies que cette métropole est devenue la championne des cônes orange.