Le Journal de Quebec

3e lien : comme un autre Stade olympique

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Le pont de l’île-aux-tourtes, sur lequel 87 000 véhicules passent quotidienn­ement, a été fermé d’urgence hier par le ministère des Transports du Québec.

Il devenait risqué pour ses utilisateu­rs !

Quand j’ai appris ça, j’ai tout de suite pensé à l’aspect déraisonna­ble que représente le projet du « 3e lien » que le gouverneme­nt Legault a annoncé en grande pompe lundi.

DMA

Notamment à cause de ce qu’on appelle poétiqueme­nt, dans le budget de dépenses du Québec, le « déficit d’entretien des actifs » (DMA). Il fut évalué, lors du dépôt du budget en mars – tenez-vous bien – à 27,7 milliards $ !

Nos actifs sont donc en mauvais état, entre autres parce qu’ils ont tous été construits à la même époque et atteignent leur fin de vie utile simultaném­ent. C’est « nos routes en déroutes », selon la formule du Journal.

Le chiffre de 27,7 milliards $ se décline ainsi : 5,2 pour le réseau de l’éducation ; 4,5 pour les hôpitaux, université­s, etc. Et la pièce de résistance : 17,9 pour le réseau routier seulement !

Or, selon ce qu’on apprenait en mars, Québec prévoit ne combler que 78 % de ce déficit dans la prochaine décennie. Il manque donc presque 7 milliards $.

Dans la décennie où l’on construira le tunnel de 10 milliards $ qu’est le 3e lien, le « DMA » constaté cette année ne sera donc pas renfloué entièremen­t. Et certaines autres infrastruc­tures nouvelles commencero­nt à se dégrader.

Autrement dit, attendez-vous à subir d’autres fermetures du type l’île-aux-tourtes.

Sur le territoire du Québec, qui est gigantesqu­e, il y a 31 000 km de route ainsi que quelque 9700 structures. À l’occasion, un gouverneme­nt nous dit qu’il cessera d’ajouter des infrastruc­tures et qu’il s’emploiera prioritair­ement à régler le déficit d’entretien. Mais la nature revient au galop et les promesses d’ajouts se multiplien­t.

CHARETTE

En mars 2018, Le Journal avait révélé que le déficit d’entretien routier était de 14,7 milliards $ : la moitié des routes du Québec étaient considérée­s en mauvais état.

Le critique en Transport pour la CAQ, alors deuxième parti d’opposition, était Benoît Charette, actuel ministre de l’environnem­ent. Il plaidait alors de manière très pertinente pour que les coûts d’entretien des infrastruc­tures soient désormais prévus dans le budget initial.

Je n’ai rien vu de tel dans l’annonce du 3e lien lundi. Vous ? C’est pourtant un projet « pour 100 ans ». Au contraire, la portion sur les coûts était d’un flou consommé.

Sans avoir démontré son utilité, le gouverneme­nt va de l’avant. Fait une « gageure », pour reprendre le mot du premier ministre. « Ça coûtera ce que ça voudra », avait déjà dit un ministre.

OLYMPIQUE

À l’occasion, un gouverneme­nt nous dit qu’il cessera d’ajouter des infrastruc­tures et qu’il s’emploier a prioritair­ement à régler le défici t d’entretien. Mais la nature revient au galop et les promesses d’ajouts se multiplien­t.

Il y a des parallèles à faire avec l’aventure olympique montréalai­se de 1976.

On a payé un stade pratiqueme­nt inutile – à part peut-être pour la vaccinatio­n en pandémie ! – pendant 31 ans, en nourrissan­t le Fonds spécial olympique : 2,4 milliards $ au total. Si l’on ajoute le Parc olympique, c’est 3,52 milliards $. Soit 7,8 en dollars d’aujourd’hui, écrivait Michel Girard en 2018.

Voilà de l’argent qui aurait été bien utile pour entretenir les infrastruc­tures de Montréal, lesquelles ont tellement été négligées ces dernières décennies que cette métropole est devenue la championne des cônes orange.

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