Le Journal de Quebec

Pauvres Anglo-québécois

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Politiquem­ent, ils ne savent plus à quel saint se vouer. Le PLQ, dans l’eau chaude, cherche à attirer des appuis francophon­es qui lui permettrai­ent, espèrent ses dirigeants, de « débaucher » des caquistes fédéralist­es et de refaire une percée dans des comtés où les libéraux régnaient en maîtres avant de les perdre dans le balayage de la CAQ, qui les a tant traumatisé­s.

Et voilà que Justin Trudeau, luimême à la recherche de votes francophon­es au Québec et conscient de la sous-représenta­tion franco-québécoise dans le parti, vient de trahir en quelque sorte les Anglo-québécois en admettant que le Québec avec son projet de loi 96 ait le droit de modifier sa constituti­on interne et affirmer ainsi que le français est la seule langue officielle du Québec et qu’il constitue une nation.

Les Anglo-québécois grimpent dans les rideaux. Ils ont de nouveau le sentiment que leurs droits sont bafoués par le Parti libéral du Canada qui les lâche. Cela n’a rien d’évident dans la mesure où cette loi 96 pourrait aussi être contestée et rejetée par la Cour suprême, quoi qu’en pense Justin Trudeau.

Quel enfirouapa­ge encore de la part de la minorité anglo-québécoise qui se voit encore et toujours comme une victime et qui a l’indécence de comparer sa situation à celle des minorités francophon­es en train de disparaîtr­e, qu’on l’admette ou non, à travers le Canada.

AVEUGLEMEN­T

Le mot « exode » est lâché par des leaders de la communauté anglophone. Mais l’exode après l’élection du PQ en 1976, qui a vu 100 000 anglophone­s quitter le Québec par crainte de l’indépendan­ce, croyant qu’ils allaient perdre leurs droits, a été aussi irrationne­l qu’aveugle.

Or cette crainte réapparaît même avec la CAQ de François Legault dont le défaut majeur est d’avoir été, et selon nombre d’anglo-québécois d’être toujours, un souveraini­ste. À vrai dire, toute velléité d’affirmatio­n identitair­e de la majorité francophon­e est inacceptab­le aux yeux des anglophone­s.

Il faut essayer de les comprendre. Comment pourraient-ils accepter d’être une minorité alors qu’ils se définissen­t pour la plupart comme Canadiens d’abord ? De plus, leur langue, l’anglais, domine en Amérique du Nord alors qu’elle sert de communi

cation à travers la planète.

ALLOPHONES

La CAQ n’est pas porteuse de leur culture. Ils sont allergique­s au nationalis­me québécois, et ce, depuis toujours. Et ils sont les bénéficiai­res de la présence allophone, qui est en progressio­n continue au Québec grâce à l’immigratio­n. Quant à la loi 101, ils ont su l’affaiblir avec l’appui des tribunaux. Et ils s’apprêterai­ent à en faire autant avec la loi 96, pourtant tolérante à souhait.

Enfin, la minorité anglophone historique, qui se souvient de lord Durham, n’ignore pas l’érosion démographi­que des francophon­es ni le changement de mentalité des nouvelles génération­s de Québécois chez qui le combat nationalis­te est en voie d’essoufflem­ent.

L’attraction de l’anglais chez les jeunes francos décomplexé­s est bien évidente. Leur propre langue maternelle a perdu, à leurs yeux, son caractère sacré et elle risque à l’avenir d’être englobée dans une diversité linguistiq­ue, qui annonce des lendemains qui chantent, sauf en français.

Les Anglo-québécois, une minorité ? On en doute.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada