Une « onde de choc » au Canada anglais
La réaction positive de Justin Trudeau à la loi 96, par laquelle le Québec tentera d’amender seul sa section de la constitution, a créé une onde de choc dans le reste du Canada, où l’on trouve que le premier ministre fait des pieds et des mains pour séduire la Belle Province à l’aube de possibles élections en automne.
Depuis la déclaration de M. Trudeau mardi dernier, le National Post se demande pourquoi Trudeau « courbe l’échine » devant la « nation québécoise » et sa nouvelle réforme de la loi 101, qui ne serait qu’une tentative de faire la séparation « par la porte d’en arrière ».
Ailleurs dans le commentariat anglo-canadien, notamment dans le Globe & Mail et le Toronto Star, on s’ennuie de Trudeau père, qui n’aurait jamais laissé passer un tel affront à l’intégrité de la constitution canadienne, dit-on.
Or, la réponse du premier ministre n’est pas entièrement dénuée de logique, estiment des spécialistes.
« Justin Trudeau se souvient que d’affronter François Legault, qui reste un des premiers ministres les plus populaires au pays, n’est pas la meilleure des idées, surtout en prévision d’une campagne électorale », explique Daniel Béland, politologue et directeur de l’institut d’études canadiennes de Mcgill.
« Les libéraux se souviennent très bien de ce qui s’est passé en 2019 », lorsque Justin Trudeau refusait d’exclure une intervention du fédéral dans le dossier de la loi 21. « Il y avait beaucoup de réactions négatives et le Bloc québécois s’était emparé de ça », rappelle M. Béland, ce qui avait contribué à la remontée et avait peutêtre même coûté la majorité aux libéraux.
PAS DE CRISE CONSTITUTIONNELLE
Malgré les « réactions fortes » provenant du Canada anglais, les risques que cette histoire déborde en crise constitutionnelle restent plutôt minces, selon Stéphanie Chouinard, professeure de science politique à l’université Queen’s.
« On n’est pas dans la furie qu’on aurait pu voir dans les années 80, mais on n’est pas non plus dans l’apathie totale », dit-elle. S’il y a un élément qui irrite plus que tout dans ce projet de loi, c’est l’utilisation « en amont » de la clause nonobstant.
Ceux qui s’attendent à une opposition plus forte des partis d’opposition seront déçus : autant Erin O’toole que Jagmeet Singh ont annoncé leur appui au projet de loi 96. « Je n’ai pas l’impression que les partis fédéraux ont beaucoup de milles à faire sur cette histoire », estime Mme Chouinard. Ils risqueraient plutôt d’y perdre des appuis précieux.
La bataille de la réforme de la constitution, par le Québec et pour le Québec, devrait plutôt se passer du côté des tribunaux, car une première contestation ne saurait tarder, estiment plusieurs commentateurs dans la province et ailleurs.