La science n’a pas tranché sur la dangerosité
Alors que les risques pour la santé d’inhaler des fibres d’amiante sont clairement documentés et reconnus, l’impact d’avaler ces fibres est peu étudié. Si bien que les scientifiques sont pour l’heure incapables d’en arriver à un consensus.
« Il n’existe pas d’ensemble cohérent de données convaincantes indiquant que l’ingestion d’amiante est dangereuse », indique Santé Canada, qui s’appuie sur l’avis de l’organisation mondiale de la santé (OMS).
L’OMS considère en effet qu’à ce stade, il n’y a pas de données probantes systématiques permettant d’affirmer qu’ingérer de l’amiante est dangereux pour la santé.
L’organisme international ne recommande donc pas de se méfier des tuyaux en amiante-ciment, contrairement à ceux en plomb, qui posent un risque avéré pour la santé, en particulier pour les enfants et les femmes enceintes.
C’est pourquoi Santé Canada, contrairement aux États-unis, est d’avis qu’« il n’est pas nécessaire de fixer une concentration maximale acceptable pour l’amiante dans l’eau potable ».
VIEILLE SCIENCE
Mais le Dr Arthur Frank, médecin et chercheur à l’école de santé publique de l’université Drexel à Philadelphie, indique que l’avis de Santé Canada est basé sur des données scientifiques datant des années 1980.
« C’est de la vieille science », soufflet-il en saluant la volonté de Québec de collecter des données, ce qui ne pourra qu’aider les scientifiques, dit-il.
Le Dr Frank souligne que bien que de vastes études épidémiologiques n’aient toujours pas été menées sur le sujet, de nombreux scientifiques ont sonné l’alarme ces dernières années.
En 2011, dans une compilation publiée dans le Journal of Toxicology and Environmental Health, une équipe de l’université du Montana et de celle de l’idaho indique qu’« il ressort clairement de la documentation que les propriétés néfastes de l’amiante ne se limitent pas au système pulmonaire ».
En se basant sur quelque 250 études, les chercheurs américains notent « des preuves de la migration généralisée des fibres vers divers organes ».
Cinq ans plus tard, en 2016, dans un article paru dans la revue de l’association italienne d’épidémiologie, les Drs Agostino Di Ciaula et Valerio Gennaro de l’hôpital de Bisceglie, en Italie, confirment que de l’amiante a été retrouvé dans le côlon et la vésicule biliaire de patients atteints de cancer.
PRINCIPE DE PRÉCAUTION
Les médecins italiens s’inquiètent particulièrement des dangers de l’amiante pour l’appareil gastro-intestinal. L’analyse américaine ajoute que les ovaires, entre autres, pourraient aussi être affectés.
Pour en avoir le coeur net, les scientifiques américains appellent à davantage de recherche, car « il y a beaucoup d’incohérences dans les études sur les effets de l’amiante sur les organes non pulmonaires, ce qui rend difficile d’en arriver à des conclusions solides ».
En attendant, les médecins italiens estiment que « le principe de précaution devrait dicter que tous les efforts possibles soient faits pour réviser les normes de santé sur le sujet ».