Le Journal de Quebec

Non à 50 000 $ de coûts additionne­ls

Ils se battent et gagnent contre un entreprene­ur qui voulait plus d’argent à quelques jours du déménageme­nt

- JULIEN MCEVOY

Quand Jasmine Villeneuve et Jules Bruneau signent l’offre d’achat de leur maison neuve, en février, ils sont loin de se douter qu’ils vont passer à un cheveu de se retrouver à la rue, en mai, date prévue de l’emménageme­nt.

C’est pourtant ce qui s’est passé. Le couple ne va réussir à prendre possession de la maison que grâce à l’aide d’un avocat qui ne perd pas une seconde pour agir.

L’histoire se déroule à Morin-heights, dans les Laurentide­s. Le couple de premiers acheteurs dans la fin de la vingtaine réussit à s’offrir ce bungalow de 373 000 $ grâce à l’aide des parents. Un mois avant de passer chez le notaire, par contre, le ciel s’effondre.

Ils reçoivent un courriel de l’entreprene­ur : il annule le contrat préliminai­re en raison du fait que seul le nom de Jasmine y apparaît et que le financemen­t inclut aussi ceux de ses parents. « Ça ne change rien dans les faits, mais c’est le loophole qu’il a trouvé », réagit Jasmine.

Il invoque aussi la hausse du prix des matériaux pour justifier qu’il ne peut « vendre à un prix en deçà de [son] coût de constructi­on ».

RIEN À CRAINDRE, ET POURTANT...

Le hic, c’est que lors de la visite, en février, l’entreprene­ur leur souligne à grands traits que ses matériaux sont déjà achetés et que Jasmine et Jules n’ont rien à craindre.

« Enfin, si vous êtes toujours intéressés, il faudra renégocier une nouvelle entente », écrit-il. Tout de suite, Jasmine décroche le téléphone et enregistre l’appel. « Il nous a carrément demandé 50000 $ de plus, non négociable­s. Sinon, on n’avait pas la maison », s’offusque-t-elle.

Le prochain appel du couple est pour l’avocat Benoit Chabot, spécialisé en droit de l’immobilier. « Ils étaient bien placés, le contrat était à leur avantage, ils ont su réagir rapidement. En moyenne, les gens ne s’en sortent pas aussi bien aussi vite », prévient-il.

Le 12 avril, Me Chabot commence par envoyer une mise en demeure, qui reste lettre morte. Rapidement, il entame une demande en passation de titre au tribunal, afin de forcer la vente. Le dossier ne se rendra même pas devant le juge. L’entreprene­ur rend les armes et accède à la demande.

« Ça ne se serait pas passé comme ça contre un gros entreprene­ur, il n’aurait pas été intimidé », modère l’avocat.

Quoi qu’il en soit, pour moins de 2000 $ en frais juridiques, Jasmine et Jules passent chez le notaire le 7 mai, comme prévu, et payent 373 000 $. « Maintenant qu’on a la maison, je ne souhaite pas chercher les ennuis avec lui, on ne sait pas ce qu’il pourrait faire », dit Jasmine au sujet de l’entreprene­ur, dont elle préfère taire le nom.

AU MOINS 1600 CAS AU QUÉBEC

Mme Villeneuve n’est pas la seule à craindre son entreprene­ur. Le Journal a parlé avec au moins 20 autres acheteurs de maison neuve aux prises avec des retards de livraison, mais surtout avec des hausses de prix subites.

Tous refusent de témoigner afin de ne pas se mettre à dos leur entreprene­ur. « Je veux juste ma maison, après ça je vais me fâcher », disent-ils.

Marc-andré Harnois, qui dirige l’organisme communauta­ire de l’associatio­n des consommate­urs pour la qualité dans la constructi­on, parle à certains d’entre eux tous les jours. « On est rendu à 140 plaintes pour une hausse de prix injustifié­e. Il doit y avoir au moins 1600 cas au Québec », estime-t-il.

« On a des cas où il est question de plus de 30 % de hausse. Ça n’a rien à voir avec les coûts de constructi­on. Sur une maison moyenne, ça représente plus de 100 000 $ ! » assure M. Harnois.

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PHOTO MARTIN ALARIE Jasmine Villeneuve et Jules Bruneau avec leur garçon de 1 an, devant la maison qu’ils ont bien failli ne pas avoir. « On a eu vraiment peur de se retrouver à la rue », dit la jeune maman.

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