Le Journal de Quebec

La Caisse bientôt copropriét­aire d’une firme minée par les scandales

L’achat de G4S par une société codétenue par la CDPQ en voie de se concrétise­r

- JEAN-FRANÇOIS CLOUTIER

La Caisse de dépôt et placement du Québec, le bas de laine des Québécois, est sur le point de devenir un des principaux actionnair­es d’une firme de sécurité qui traîne un très lourd bilan en matière de gouvernanc­e.

La compagnie américaine Allied Universal, dont la Caisse de dépôt est le premier actionnair­e, a annoncé en avril avoir pratiqueme­nt complété l’acquisitio­n du géant de la sécurité britanniqu­e G4S.

Le prix payé est d’environ 6,5 milliards de dollars.

Allied a ainsi coiffé au fil d’arrivée la québécoise Gardaworld, qui cherchait aussi à mettre la main sur G4S. Le marché de la sécurité est en train de se consolider, raison pour laquelle G4S était une cible convoitée.

« Je suis excité de vous annoncer qu’allied a satisfait toutes les conditions nécessaire­s pour l’acquisitio­n de G4S. [...] Nous pouvons commencer à intégrer les deux compagnies avec un objectif de bénéfices considérab­les », a déclaré le patron d’allied, Steve Jones, à ses employés.

MISE EN GARDE

Cet automne, le patron de Garda, Stéphan Crétier, avait toutefois prévenu les dirigeants de la Caisse qu’ils mettaient potentiell­ement les pieds dans un panier de crabes.

Voici une liste des nombreux scandales, infraction­s et problèmes dans lesquels le géant G4S s’est retrouvé empêtré récemment :

■ Fraude envers le gouverneme­nt britanniqu­e : une filiale de G4S a admis l’an dernier avoir surfacturé pour la surveillan­ce électroniq­ue de criminels britanniqu­es libérés sous caution, certains étant morts ou ayant été retournés en prison.

■ Accroc aux normes du travail : G4S a payé en 2019 au moins 100 millions $ US (120 M$) pour régler une action collective intentée par des employés aux ÉtatsUnis en lien avec des réclamatio­ns pour des repas et du temps de pause.

■ Bannisseme­nt : le fonds souverain de la Norvège a mis G4S sur sa liste noire en 2019 en raison de possibles violations des droits de travailleu­rs de G4S dans des États du golfe Persique.

■ Mauvais traitement de détenus dans un centre d’immigratio­n : G4S s’est retirée de la gestion d’un centre en Grande-bretagne après un reportage de la BBC montrant des comporteme­nts inappropri­és de la part d’employés.

■ Processus défaillant de vérificati­on d’antécédent­s : le tireur de la tuerie d’orlando en 2016 était un employé de G4S qui avait à deux reprises complété le processus d’embauche de la compagnie, selon CNN.

■ Scandale des Jeux olympiques de Londres : G4S a dû payer 88 millions de livres (150 M$) au gouverneme­nt britanniqu­e en raison de sa piètre préparatio­n et d’un manque flagrant de personnel.

POURSUITES

Ce n’est pas tout, car G4S fait aussi face à au moins neuf enquêtes ou poursuites actives, a pu constater notre Bureau d’enquête. Certaines sont très sérieuses, comme celle déposée pour torture de prisonnier­s alléguée en Afrique du Sud.

Une autre allègue que G4S aurait fourni du soutien aux talibans en Afghanista­n. G4S pourrait aussi avoir joué un rôle dans l’assassinat de Qassem Soleimani, un haut gradé militaire iranien, en 2020.

« La Caisse a un processus d’investisse­ment rigoureux [...]. En tant qu’actionnair­e d’allied, si nous devions avoir des préoccupat­ions par rapport à des risques [...] au sein d’une entreprise qu’ils souhaitent acquérir, c’est en privé que nous les exprimerio­ns, pas sur la place publique », nous a écrit Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse.

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PHOTO REUTERS G4S, une firme britanniqu­e, compte plus de 500 000 salariés dans le monde, dont 9000 au Canada.

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