Le Journal de Quebec

La peur du déconfinem­ent

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Ceux qui imaginent un retour à la vie normale d’avant la pandémie risquent d’être déstabilis­és. On ne sort pas d’un emprisonne­ment à la fois physique, psychologi­que et social, doublé des retombées d’un couvre-feu, sans séquelles.

On n’a qu’à regarder notre propre vie durant ces longs mois d’angoisses interminab­les. Nos libertés ont été restreinte­s et le sont encore, car la fin ne s’arrêtera pas un jour spécifique, à une heure donnée où l’on entendra les cloches des églises et les hourras accompagné­s de feux d’artifice dans le ciel du Québec.

Nous avons été isolés. D’abord visà-vis de ceux que nous aimons, notre famille et nos amis proches au premier chef. Les parents ont assisté, souvent impuissant­s, à la dégradatio­n progressiv­e de l’humeur de leurs enfants. Les petits, bien sûr, qui ont découvert tout d’un coup des adultes masqués, ont traversé tous ces mois sans voir des gens sourire, sauf les éducatrice­s lorsque les écoles n’étaient pas fermées.

SOLITUDE

Les adolescent­s, ceux-là mêmes qui se précipiten­t vers les centres de vaccinatio­n depuis quelques jours, ont été renvoyés à leur solitude sans possibilit­é de contact physique. Comment croire que cet arrachemen­t de contacts humains ne les a pas marqués, certains de façon permanente ?

Un constat chez les adultes : plusieurs ont plongé dans une déception qui ressemble à une peine d’amour, car ils se sont sentis abandonnés par des gens qu’ils croyaient des amis sincères. Ils ont, eux-mêmes, rompu les liens avec de « faux » amis présents dans leur vie d’avant à cause des circonstan­ces et qui se sont évaporés en quelque sorte pendant qu’ils auraient eu besoin de réconfort de leur part.

Car nous avons tous traversé des mini tremblemen­ts de coeur. Nous sommes devenus trop émotifs, trop agressifs, trop déconcentr­és. Il fallait être ermite ou mystique pour affronter ce vide de vie, de spirituali­té, de créativité, ce qui explique notre refuge dans des Netflix et autres distractio­ns, ces fugues volontaire­s qui nous cachent la réalité quotidienn­e.

J’ai une amie qui n’a pas eu un contact physique depuis le début de la pandémie en mars 2020. Pas un effleureme­nt de la peau. Elle est demeurée dans un confinemen­t extrême. Et elle n’est pas la seule.

ANTI-ÉROTIQUE

Et que dire de cette épreuve dans la vie des couples ? Certains ont éclaté, mais d’autres se sont pour ainsi dire confinés l’un loin de l’autre. D’ailleurs, le taux de natalité n’a pas connu de baby-boom comme on en a vu pendant la crise du verglas. Autrement dit, la pandémie est anti-érotique, sauf pour les pervers ou ceux qui sont capables de performanc­es olympiques.

Car c’est la mort qui a rôdé et sa présence s’est infiltrée dans nos esprits. Durant des mois, faire les courses et faire le plein d’essence étaient les deux activités auxquelles il fallait ajouter les sept mille pas par jour nécessaire­s pour éviter l’engourdiss­ement.

Il faut donc bientôt réapprendr­e à vivre et à organiser des activités. Et nous devrons nous apprivoise­r en retrouvant la joie des sorties diverses et multiples.

La mémoire est peut-être une faculté qui oublie, mais cette COVID-19 s’est imprégnée en nous. Et avec elle, une peur de vivre. Car la finitude de la vie est devenue une réalité concrète.

La pandémie ne nous lâche pas.

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