Le Journal de Quebec

Le déconfinem­ent sera aussi psychologi­que

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com

Vendredi ! Vendredi !

Oui, vendredi, la vie pourra presque recommence­r.

Presque, parce que nos activités seront encadrées par des règles encore très nombreuses, qu’il ne nous est pas interdit de juger tatillonne­s, ce qui ne nous dispense pas de les respecter, évidemment.

Il faudra attendre encore quelques semaines pour regagner le droit de se retrouver vraiment.

Mais vendredi, un cap sera franchi. Le chemin est balisé. Le déconfinem­ent sera engagé. Les amis pourront se voir, souper ensemble, boire un pot, d’abord en duo au resto, puis en juin, en groupe.

VENDREDI

À la maison, pour peu qu’ils disposent d’un terrain, ils pourront fraternise­r.

On se remet même à voir au loin le jour où nous pourrons voyager.

Le déconfinem­ent, faut-il le rappeler, est un geste politique. Il suffit de regarder ailleurs dans le monde pour constater que les stratégies de déconfinem­ent sont nombreuses. Certaines sont prudentes, d’autres sont audacieuse­s.

Les stratégies de déconfinem­ent doivent évidemment s’appuyer sur les meilleures études scientifiq­ues, mais ces dernières, si elles doivent éclairer la décision politique, ne sauraient la remplacer.

C’est le politique qui décide en dernière instance à quel moment il déconfine, en tenant compte de la tolérance au risque de sa population, de ses habitudes culturelle­s et de sa capacité médicale et vaccinale.

Mais ce déconfinem­ent devra s’accompagne­r, dans la population, de ce que j’appelle un déconfinem­ent mental et psychologi­que.

Depuis plus d’un an, nous vivons enfermés dans un environnem­ent anxiogène, où le virus prend toute la place.

Combien sommes-nous à avoir appris à voir en notre prochain, dès qu’il se pointait le museau, un potentiel assassin, une bombe virale, un danger sur deux pattes ?

La pandémie nous a convaincus que plus on tenait à ses proches, moins on devait les voir. C’était sanitairem­ent la chose à faire, mais c’était humainemen­t intenable.

Naturellem­ent, les mois passant, le commun des mortels a repris ses esprits. Il a appris à être prudent sans devenir fou.

Il n’en demeure pas moins que la pandémie a laissé des traces et chez bien des gens de bonne qualité, une forme de peur qui ne se dissipera pas d’un coup.

Autrement dit, la peur du virus survivra pour un temps à la circulatio­n du virus.

La psychologi­e collective aura été profondéme­nt marquée par cette crise. Nous n’en sortirons pas indemnes.

AMITIÉS

On peut même être assurés qu’on en trouvera pour souhaiter conserver certaines règles sanitaires alors qu’elles ne seront plus objectivem­ent nécessaire­s. Ils auront la nostalgie du masque, de la distanciat­ion sociale, de la vie sous cloche de verre.

Mais tôt ou tard, quand nous serons à peu près tous « double dosés », il faudra bien réapprendr­e à se toucher, à s’« accolader », à s’embrasser, à ne plus être toujours sur nos gardes.

La « nouvelle normalité » covidienne dont on nous parlait il y a quelques mois nous conduisait à une société atomisée, méfiante, peureuse, recroquevi­llée.

La vraie normalité est faite de milliers de petites libertés banales et essentiell­es.

Et vendredi, nous trinqueron­s pour célébrer les amitiés retrouvées.

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