Lourdes pertes pour les camionneurs
La fermeture brutale du pont de l’île-aux-tourtes se fait déjà vivement sentir
La fermeture d’urgence du pont de l’île-aux-tourtes saigne déjà l’industrie du transport, qui devra prendre son mal en patience avant l’ouverture complète prévue juste avant la Saint-jean.
« À 150 voyages par semaine [300 aller-retour], avec une heure de détour à 60 $ l’heure, ça fait des pertes de 18 000 $ par semaine. Le Toronto-montréal passe tout par là. C’est incroyable », déplore le v.-p. gestion des routiers de Trans-west, Pascal Gaudet.
« Normalement, on part avant le souper, mais pour ne pas perdre d’heures, on va partir après », a partagé avant de partir hier soir Chantal Cotton, camionneuse en équipe avec son mari Gilles Desroches, chez Trans-west.
Jeudi dernier, le ministère des Transports du Québec a procédé à la fermeture complète du pont de l’île-aux-tourtes après une série de cafouillages sur le chantier, qui a mené à un bris majeur.
DES MILLIONS ENVOLÉS
Or, en pleine reprise économique, cette fermeture subite fait mal à l’industrie.
« Pour certaines flottes, ça va rimer avec des pertes de centaines de milliers de dollars, qui se chiffreront en millions de dollars en termes de pertes de productivité », résume Marc Cadieux, PDG de l’association du camionnage du Québec (ACQ),
« Une marchandise non livrée dans les délais, ce sont des items non vendus, non générés. Il y a des emplois au bout de ça aussi », souligne le dirigeant de l’association qui a multiplié les rencontres avec le sous-ministre adjoint des Transports, la fin de semaine dernière, pour gérer la crise.
Pour Pierre Pelletier, de Transport Pelletier et Fils, la fermeture tombe mal.
« J’ai perdu une demi-journée vendredi dernier. Je n’ai pas été capable de charger mon voyage de tubes de construction. J’ai dû passer par Montréal pour me rendre à Laval. Pour revenir, ç’a été encore plus compliqué », observe-t-il.
« C’est l’enfer. C’est connu depuis les années 1990 que c’est un pont qui est épeurant », va-t-il jusqu’à dire.
KYRIELLE DE DIFFICULTÉS
À défaut de mieux, les autoroutes 30 et 20 peuvent servir de solutions de rechange pour les routiers, comme pour la population en général.
Une vingtaine de camions du géant Olymel qui prennent chaque semaine le chemin de son usine de bacon de Corwall devront revoir leur trajet, mais l’entreprise s’en sort bien pour le reste.
Le maire de Beauharnois, Bruno Tremblay, affirme n’avoir jamais vu un tel achalandage sur l’autoroute 30 depuis son inauguration. « C’est du jamais-vu, dit-il. Le moindre accrochage provoquerait un bouchon monstre. »
Au-delà des coûts qu’entraînent les détours et délais liés au transport, Joël Lessard, directeur principal, services aux entreprises, de l’organisme Développement Vaudreuil-soulanges, explique que cette fermeture du pont entraîne déjà une kyrielle de difficultés pour les entreprises du coin.
Parmi elles, il note le défi que constitue la gestion des ressources humaines pour les entreprises dont les employés vivent de part et d’autre du pont.
« Un trajet de 5 à 7 minutes en temps normal peut facilement dépasser maintenant les 50 minutes », dit-il.
Les commerçants, qui profitent normalement d’un fort achalandage de transit routier, pourraient aussi devoir subir des pertes, estime le maire de Vaudreuil-dorion, Guy Pilon.
Forcément, les entreprises des secteurs de la logistique, un autre domaine de prédilection pour cette région, pourraient également en souffrir, croit-il.
« JE N’AI JAMAIS VU ÇA EN PLUS DE 20 ANS DE MÉTIER. ON VA DEVOIR PARTIR APRÈS LE SOUPER POUR ÉVITER LA CONGESTION »
– Chantal Cotton, camionneuse