Le Journal de Quebec

Se peinturerp­eirer dans le coin

- THOMAS S MULCA AIR Ex-ministre de l’environnem­ent et ex-chef du NPD thomas.mulcair@quebecorme­dia.com

Jean Chrétien avait le don de désamorcer une situation embêtante avec une expression de son propre cru qui, inévitable­ment, laissait les gens avec un sourire. Une de mes préférées était : parfois quand t’es peinturé dans le coin, il faut marcher sur la peinture !

Je pense que Justin Trudeau s’est peinturé dans le coin dans le dossier du projet de loi 96. Sa première réponse, à savoir qu’une province (pas juste le Québec) pouvait unilatéral­ement changer la Constituti­on en matière linguistiq­ue est fausse et semée d’embûches à long terme. On peut le faire avec des votes au Parlement appuyant une motion québécoise, mais pas tout seul.

C’est Jason Kenney de l’alberta qui, tout en exprimant son admiration pour la capacité du Québec de s’occuper de ses affaires, a aussitôt expliqué qu’il lorgnait le projet de loi 96 comme modèle à suivre pour ses propres ambitions de changement constituti­onnel... Ça promet !

MODIFICATI­ON UNILATÉRAL­E

Le projet de loi 96 prétend modifier unilatéral­ement une des lois fondatrice­s de notre Constituti­on.

L’acte de l’amérique du Nord britanniqu­e (la Loi constituti­onnelle de 1867) garantissa­it certains droits comme des commission­s scolaires catholique­s et protestant­es, et le droit d’utiliser l’anglais et le français devant nos tribunaux, au Parlement fédéral et à l’assemblée nationale.

Le Manitoba avait des règles similaires dans la loi créant cette province, en 1870, et qui ont été illégaleme­nt changées en 1890. Ce n’est qu’en 1985 (!) que le bilinguism­e devant les tribunaux et dans la législatur­e du Manitoba a été définitive­ment rétabli par la Cour suprême.

En 1977, la Charte de la langue française a cherché à supprimer l’obligation de bilinguism­e législatif simultané ici au Québec.

La Cour suprême l’a restauré en 1979 en précisant que ça ne faisait pas partie de la Constituti­on du Québec, et qu’on ne pouvait donc pas le changer unilatéral­ement.

Fait à noter : ce qui a pris 95 ans pour les francophon­es du Manitoba a pris deux ans pour les anglophone­s d’ici. C’est « deux poids deux mesures ».

L’université Laurentien­ne a laissé dans le néant de nombreux étudiants, dont des doctorants, lorsque le gouverneme­nt Ford a sabordé l’enseigneme­nt francophon­e dans cet établissem­ent, il y a quelques mois. Encore deux poids deux mesures si on compare avec la situation des établissem­ents d’enseigneme­nt anglophone­s d’ici.

Alors, pourquoi faire tout un plat avec le projet de loi 96 ?

Parce que nous risquons un nivellemen­t vers le plus bas dénominate­ur commun, ce qui, à son tour, risque de sonner le glas d’une des caractéris­tiques qui est censée nous définir comme pays.

Si le Québec peut le faire, pourquoi pas le Manitoba ?

DROITS LINGUISTIQ­UES

En allant avec une loupe et une pince à épiler pour enlever des documents officiels que notre Code civil reconnaît comme valables, tels les actes de naissance en anglais, Legault est en train de démontrer son intention d’enlever des droits linguistiq­ues existants. C’est ça le problème.

M. Trudeau risque d’être obligé de marcher sur de la peinture pour s’assurer qu’il n’ouvre pas une boîte de Pandore constituti­onnelle... Ça aussi, ça promet!

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François Legault Jean Chrétien Trudeau devra travailler fort pour ne pas ouvrir une boîte de Pandore…
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Justin Trudeau
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