Exilée en France pour vendre des avions québécois
L’ingénieure Christine De Gagné connaît l’ancienne C Series de Bombardier sous toutes ses coutures
Elle a encore Bombardier tatoué sur le coeur, mais aujourd’hui, c’est à Toulouse que Christine De Gagné vend le plus grand avion jamais conçu par des Québécois à des acheteurs du monde entier.
Depuis qu’airbus a pris le contrôle du programme C Series de Bombardier, en 2018, les activités de ventes et de marketing ont été rapatriées au centre nerveux du géant européen, dans la Ville rose.
Avec une poignée d’autres Québécois qui connaissent la C Series, devenue l’airbus A220, comme le fond de leur poche, Mme De Gagné a déménagé à Toulouse il y a deux ans et demi.
PAS DE TOUT REPOS
Son travail : faire valoir les avantages concurrentiels de l’appareil de 110 à 160 places aux compagnies aériennes pour les convaincre de passer des commandes, de façon à garder bien occupés les 2500 travailleurs de l’usine d’airbus à Mirabel, dans les Laurentides.
« Je suis tellement passionnée, c’est ça que les clients aiment », affirme-t-elle au Journal.
L’ingénieure ne cache pas que son intégration en France n’a pas été de tout repos. Au début, ses collègues peinaient à comprendre son accent québécois.
« On n’a pas la même culture, on n’a pas les mêmes références », rappelle-t-elle.
De façon similaire, l’inclusion de l’ex-c Series dans le portefeuille d’airbus ne s’est pas toujours passée comme sur des roulettes.
« Ç’a pris beaucoup de patience, beaucoup de résilience, dit Christine De Gagné. Des fois, bon, le programme était oublié. »
Il faut dire que depuis des années, les vendeurs d’airbus et de Boeing tentaient de discréditer la C Series, qui entre en concurrence avec les plus petites versions des vaches à lait que sont l’a320 et le 737. Il a fallu changer les réflexes et les habitudes.
« Quand je suis arrivée à Toulouse, on m’a confié : “On ne savait plus vraiment comment dire que ce n’était pas un bon avion parce qu’on savait que c’était un bon avion!” » raconte en riant Mme De Gagné.
La femme de 41 ans défendra toujours Bombardier, qui lui a donné son premier boulot à la sortie de l’université.
BOMBARDIER DANS LE SANG
Sans compter que pendant 17 ans, sa mère a été directrice des communications du musée J. Armand Bombardier de Valcourt.
Bombardier a beau être l’une des plus grandes entreprises québécoises, elle reste mystérieuse pour bien des Européens. « Certains de mes collègues m’en parlent comme si c’était une PME ! » rigole Christine De Gagné.
Dans les avions commerciaux, « on était petits, mais on était excellents », souligne-t-elle.
SOUVENIR PRÉSERVÉ
Le souvenir de la C Series de Bombardier perdurera en Europe. Airbus vient d’agrandir son centre de maquettes d’avions grandeur nature à Toulouse pour y inclure un exemplaire de l’a220.
« Pour moi, c’était clair qu’il fallait qu’on ait une maquette de l’a220 à Toulouse », lance Mme De Gagné.
Pour faire la maquette, on a réutilisé le premier avion d’essai de la C Series, qui a pris les airs en 2013 et qui a cumulé 760 heures de vol. Sur la porte, on trouve encore une plaque portant le nom de Bombardier.
« Ça nous a permis de sauver des coûts, mais en même temps de préserver l’héritage », note Christine De Gagné.
Avec cette arme de taille, la spécialiste du marketing pourra être encore plus persuasive face aux acheteurs. Elle pourra leur faire visiter le cockpit de l’a220, très high-tech, et leur montrer à quel point la cabine de l’avion est spacieuse.
Fort symbolique, la présence de l’a220 aux côtés des autres appareils d’airbus permettra aux quelque 1000 personnes qui visitent le centre des maquettes chaque année de s’intéresser à l’avion québécois, ce qu’ils n’auraient pas nécessairement fait autrement.
Airbus a annoncé cette semaine une augmentation de la cadence de production des appareils A220 à son usine de Mobile, dans l’état de l’alabama, à partir de l’année prochaine.