Les Québécois inquiets pour leur retraite
J’ai reçu les résultats tout chauds d’un sondage portant sur la préparation des Québécois en vue de leur retraite, une enquête présentée dans une perspective « post-pandémique ».
C’est la mode. Quelques constats rapides, d’abord, avant d’entrer dans le détail :
■ Le cauchemar duquel on sort semble avoir fait du bien au portefeuille, pour l’instant.
■ La crise a favorisé une prise de conscience par rapport à certaines notions de base des finances personnelles.
■ La retraite représente plus qu’auparavant un sujet d’inquiétude, notamment en raison de la dégradation des finances publiques.
MOINS CONFIANTS QU’AVANT
Trois répondants sur 10 se disent moins « confiants » que l’an dernier par rapport à leur projet de retraite. On trouve dans ce groupe une surreprésentation de Québécois à faible revenu qui ne détiennent pas de placements, donc des gens qui dépendront davantage des régimes publics pour assurer leur retraite.
Parmi ceux qui se disent « aussi » (64 %) ou « plus » (6 %) « confiants » que l’année dernière, il suffirait d’une bonne correction boursière pour les faire basculer du côté des pessimistes. Ça, c’est mon opinion.
Près d’un Québécois sur deux (47 %) croit que l’endettement collectif provoqué par la pandémie détériorera sa situation financière à la retraite. C’est énorme, particulièrement chez les jeunes. Cela reflète l’opinion de 60 % du groupe des 25-34 ans.
« Les gens anticipent des hausses d’impôts et des baisses de prestation des régimes publics », croit Nathalie Bachand, planificatrice financière et présidente d’éducépargne.
Un quart (26 %) des personnes interrogées affirme que la pandémie les oblige à déployer plus d’efforts afin de profiter d’une retraite confortable. Sept pour cent des répondants disent devoir repousser le moment de la retraite. Attention : ce chiffre est trompeur ! Cette question n’est pas pertinente pour 27 % de l’échantillon qui sont déjà à la retraite et 29 % des sondés qui n’ont aucune idée encore
de l’âge auquel ils veulent se retirer.
MIEUX PRÉPARÉS POUR LA PROCHAINE CRISE ?
L’ennui avec les sondages, c’est que la formulation des questions induit souvent des réponses et déforme la réalité. Le sondeur a demandé aux répondants s’ils se croyaient « mieux préparés », « aussi bien préparés », « ou moins bien préparés » pour faire face à une éventuelle crise du même genre.
Si le gouvernement a dû verser des dizaines de milliards de dollars en aide financière aux particuliers, c’est que la population n’était pas vraiment préparée à faire face à un pareil événement. Or, 63 % des gens interrogés se sont dits « aussi bien préparés », ce qui n’est pas de bon augure ; et 24 % affirment être mieux préparés, ce qui ne veut pas dire « bien » préparés.
Tout de même, 42 % disent pouvoir maintenir leur train de vie sans revenu durant plus de trois mois, 31 % pourraient tenir le coup entre un et trois mois et 18 % moins d’un mois.
Ça fait beaucoup de gens qui n’ont pas accumulé un fonds d’urgence suffisant.
« Ce n’est pas évident pour tout le monde de se constituer un coussin. Quand l’ensemble de ses revenus sert à combler ses besoins de base, ça veut dire qu’on n’a pas de marge pour épargner », remarque Nathalie Bachand.
ENDETTEMENT EN BAISSE
Sans surprise, les trois quarts des répondants affirment être endettés, mais on ne distingue pas les dettes de consommation et les dettes hypothécaires.
Près de 60 % des personnes sondées se disent aussi endettées qu’à la même période l’année dernière, et 23 % ont réduit leur endettement.
En revanche, 16 % ont vu leurs dettes s’alourdir, on ne sait pas dans quelle proportion. On imagine des acheteurs de maisons, mais on compte aussi bon nombre de gens à faibles revenus, surreprésentés dans ce groupe, selon les résultats du sondage.
Éducépargne devrait refaire l’exercice l’année prochaine, il est prématuré de dresser un bilan post-pandémique alors qu’on déconfine à peine. Dans un an, on aura une meilleure idée de l’impact de la COVID-19 sur nos finances.
ÉDUCÉPARGNE
Je suis généralement réfractaire à rapporter les résultats de sondages qui portent sur les comportements financiers. La plupart du temps, ils sont commandés par des institutions financières en quête de visibilité dans les médias.
Là, ce n’est pas la même chose. Éducépargne (www.educepargne.ca), anciennement Question Retraite, est un organisme à but non lucratif qui vise à sensibiliser et éduquer le public sur les questions de finances personnelles. Il survit grâce à des bénévoles, dont la présidente Nathalie Bachand, et parvient à se payer tout juste deux employés grâce aux contributions financières de partenaires de l’industrie.
Le sondage a été mené auprès de 1000 Québécois par la firme SOM pour le compte d’éducépargne. Je vous fais grâce de la méthodologie.