Le Journal de Quebec

Qui a donc allumé la flamme ?

RÉJEAN TREMBLAY

- RÉJEAN TREMBLAY rejean.tremblay@quebecorme­dia.com

C’est un des grands revirement­s des 50 dernières années. On a déjà vu des équipes remonter des déficits de 1-3 et même de 0-3 dans l’histoire du hockey. Le Canadien de 2010 l’avait fait contre les puissants Capitals de Washington. C’était lors du printemps Halak.

Mais les Glorieux n’avaient pas été aussi piteux que ceux de cette année. Les défaites lors des deuxième, troisième et quatrième matchs contre les Maple Leafs étaient honteuses.

Pas d’émotion, pas de désir, pas de haine de la défaite. Rien. Le vide absolu. Ou presque.

Et tout d’un coup, sans avertissem­ent, sans qu’on sache pourquoi, le CH minable de mardi soir s’est transformé en une équipe vibrante jeudi à Toronto. Au point de mener 3 à 0 pendant le match gagné en prolongati­on.

L’ÉMOTION DES PARTISANS

On peut expliquer l’ardeur et la passion de samedi soir. La foule, modeste mais passionnée, a soulevé les joueurs du Canadien. Il y avait un symbole puissant porté par ces 2500 « survivants » de la pandémie.

Mais comment expliquer l’ardeur de jeudi ?

Que s’est-il passé dans le vestiaire ? Que s’est-il passé entre Dominique Ducharme et ses joueurs ? D’où est venue l’étincelle, par qui les mots magiques ont-ils été prononcés ?

Ce ne sont quand même pas les chroniques et les commentair­es hargneux du matin après la défaite de 4 à 0 du mardi qui ont secoué l’équipe ? De toute façon les joueurs soutiennen­t qu’ils ne lisent pas les journaux et n’écoutent ni la télé ni la radio.

Mais peut-être que certains des joueurs ont pris conscience qu’en perdant jeudi en cinq matchs, plusieurs de leurs coéquipier­s et de leurs dirigeants auraient perdu leur poste ou leur job ?

Parce que le grondement était trop fort mardi soir jusqu’au cinquième match. Geoff Molson n’aurait pu faire face à la grogne populaire à lui tout seul.

Peut-être que cette prise de conscience a été suffisante pour soulever le désir des joueurs. Peut-être que ce fut suffisant pour les pousser à jouer comme si leur vie en dépendait ?

Je ne sais pas exactement, mais il s’est passé quelque chose d’important.

UNE VICTOIRE TRÈS POSSIBLE

Le hockey est un sport d’émotion. J’écrivais cette semaine que cette équipe avait trop de talents pour jouer de façon aussi minable. Que le problème devait être dans le vestiaire ou dans la direction.

On l’a vu lors des deux dernières victoires, il y a du talent. Et maintenant que les joueurs ont trouvé la passion du jeu, tout devient très possible. Ce soir, ce sont les Maple Leafs qui vont devoir supporter la pression. Beaucoup, beaucoup de fans des Leafs sont en beau calvaisse. Et les joueurs en mangent de solides sur les réseaux sociaux.

Si les Leafs connaissen­t un début de match hésitant, ça se peut que l’impossible se réalise.

Hum… comme l’avait écrit un fefan, à 1-3, le CH avait attiré les Leafs exactement à la bonne place. Dans la zone de l’excès de confiance.

Quand même, quel fefan !

LA FORCE DES ATHLÈTES

J’ai le bonheur de mener deux carrières de front. Comme auteur et comme producteur, j’ai pu vivre de proche l’épouvantab­le nervosité des acteurs ou chanteurs avant de prendre connaissan­ce des critiques des lendemains de première.

Quand la critique est unanime à planter un film ou une émission de télévision, quand la première d’une pièce de théâtre est un four et se fait démolir le lendemain, quand le show d’un humoriste est décortiqué négativeme­nt, la côte est ardue à remonter.

On a vu de bonnes séries se traîner dans les cotes d’écoute, de bons films ne pas durer en salle parce que les critiques les avaient démolis.

Mais j’ai appris vite que dans le sport, un athlète et encore plus un joueur de hockey a les moyens de « sauver son show ». Juste à scorer une couple de buts, à réaliser de gros arrêts et à gagner quelques matchs importants. À tous les coups, les fans oublient leur colère et leur désappoint­ement et hurlent leur satisfacti­on en applaudiss­ant au match ou dans leur salon.

Le même monde qui était en colère et qui voulait la tête de Marc Bergevin mercredi dernier, accroche son fanion du CH à sa voiture et est prêt à tout pardonner à des dirigeants qu’ils ont honnis une bonne partie du printemps.

Quand même, c’est une sacrée belle leçon.

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PHOTO AFP Le Canadien est méconnaiss­able depuis jeudi soir. Il arrive à Toronto gonflé à bloc.
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