Le Journal de Quebec

Gare à vos émotions boursières

- Daniel Germain daniel.germain c @quebecorme­dia.com

Pour les investisse­urs, la pêche s’annonce moins facile dans les mois à venir qu’elle ne l’a été durant la pandémie.

Je pense à tous ceux qui se sont ouvert un compte de courtage depuis le début de l’année. Que vont-ils faire maintenant que l’impulsion des grandes sociétés vedettes a perdu sa vigueur ?

Dépourvus souvent de stratégie, ces néophytes sont maintenant à la merci de leurs… émotions.

Comme une personne avertie en vaut deux, j’ai demandé à Michel Villa, auteur du livre Pile et Face, Combiner raison et émotion pour réussir en Bourse, de nous rappeler les principaux biais émotifs et cognitifs qui pourraient nuire aux investisse­urs, débutants comme expériment­és. Malgré la sophistica­tion de nos machines, il se trouve toujours un humain au bout pour décider.

L’EXCÈS DE CONFIANCE

À la base, il faut une certaine assurance, ou de l’inconscien­ce, pour négocier soi-même des actions. On doit croire un tant soit peu en sa capacité de battre le marché boursier, sinon on se contentera­it des fonds indiciels.

C’est toujours possible sur une courte période, et c’est par la suite que la confiance devient exagérée et nuisible. « Quand on sait qu’une minorité de gestionnai­res profession­nels arrivent à battre les grands indices à long terme, ça remet les choses en perspectiv­e », rappelle Michel Villa.

L’excès de confiance amène l’investisse­ur à multiplier les transactio­ns et les risques d’erreur. Puis à perdre des plumes.

L’AVERSION DES PERTES

La douleur provoquée par une perte est plus grande que le plaisir engendré par un gain. Voilà la chose en résumé. Comment cela se répercute-t-il sur les décisions d’investisse­ment ? On cherche à éviter de vendre un actif à perte, ce qui nous amène à nous accrocher à des titres perdants.

Prenons l’action de Tesla, qui se négociait autour de 625 $US (environ 754 $CA) en milieu de séance hier, soit une baisse de quelque 29 % depuis le début de l’année. Si on se fie à son ratio cours/bénéfice actuel, elle reste encore nettement surévaluée, et la concurrenc­e de Tesla s’organise. Mais celui qui l’a achetée en janvier à près 880 $US (environ 1062 $CA) ne voudra pas s’en départir avant qu’elle n’ait retrouvé le prix auquel il l’a acquise.

Le titre du constructe­ur automobile peut remonter, mais si son prix devait être aligné avec les performanc­es financière­s de l’entreprise, cela supposerai­t une baisse importante.

L’aversion des pertes fait en sorte que l’on conservera l’action de Tesla bien qu’elle poursuit sa descente, empirant du coup sa situation.

LE BIAIS DE CONFIRMATI­ON

Si vous êtes actionnair­e de Tesla, par exemple, vous avez probableme­nt passé vite les paragraphe­s précédents, convaincu que le titre rebondira. Le biais de confirmati­on renvoie à cette tendance que nous avons à ne retenir que les informatio­ns qui confortent nos choix et nos idées.

Un thème des plus actuels qui va bien au-delà de l’investisse­ment…

L’EFFET DE DOTATION

On accorde généraleme­nt plus de valeur à quelque chose qu’on possède qu’à cette même chose si on ne la possédait pas. En investisse­ment, cela nous fait passer à côté de belles occasions, car on ne reconnaît pas pleinement la valeur de titres qu’on ne détient pas (en surestiman­t ce qu’on détient en portefeuil­le).

LE MANQUE DE CONTRÔLE DE SOI

Ce biais se manifeste lorsqu’on se montre incapable de résister à une prise de profit rapide en revendant trop vite un actif qui recèle encore du potentiel.

LE REGRET

Il s’agit d’une posture mentale plutôt inconforta­ble qui nous paralyse de crainte de commettre une erreur. On hésite à saisir une bonne occasion, on ne vend pas alors qu’on sait qu’on devrait le faire.

L’EFFET DUNNING-KRUGER

Un dernier, pour boucler la boucle, car il s’apparente à l’excès de confiance. Très répandu dans le monde du travail, il s’applique aussi parfaiteme­nt à l’investisse­ment. Ce biais amène l’investisse­ur incompéten­t à surestimer ses compétence­s (et le plus compétent, à sous-estimer ses compétence­s).

Il faut se balader sur les forums de boursicote­urs pour le voir en pleine action !

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada