Le Journal de Quebec

Culs serrés, peine-à-jouir et faces de carême du déconfinem­ent

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Ils en deviennent lassants : depuis vendredi, on en retrouve plusieurs, dans l’espace public, pour sortir leur face de carême en grondant l’insouciant­e population, qui se serait jetée tête première dans le déconfinem­ent.

Alors que c’était jour de fête, de libération, de libations, ils prenaient leurs grands airs pour nous expliquer de ne pas abuser de nos maigrelett­es libertés regagnées, et de conserver longtemps la psychologi­e du craintif confiné.

Mieux : ils n’étaient pas loin de nous inviter à nous déconfiner volontaire­ment à pas de tortue, comme si le simple fait de se transforme­r en écumeur de terrasses pour quelques jours transforma­it le déconfiné joyeux en bombe virale, dont il faudrait se méfier.

Il faut cesser de culpabilis­er la population.

TERRASSES !

Vil jouisseur ! Funeste buveur ! Affreux mangeur ! Odieux séditieux ! Pervers fêtard ! Ouach! La vie !

Ouach! Le plaisir ! La COVID, manifestem­ent, a excité le puritain qui dormait en plusieurs.

Quant aux jeunes rassemblés dans les parcs, heureux de renouer avec les plaisirs élémentair­es de leur âge, des leaders normalemen­t plus éclairés ne se sont pas gênés pour les gronder, à la manière d’enfants irresponsa­bles.

Et d’un coup, les grands moyens : interdison­s l’alcool dans les parcs après 20 h !

Comprenons-nous bien : quand les parcs sont transformé­s en dépotoirs, c’est inacceptab­le, et les retrouvail­les ne devraient pas être jugées incompatib­les avec le savoir-vivre et les gestes sanitaires nécessaire­s.

Mais sur le fond des choses, on aurait envie de répondre méchamment aux sermonneur­s qu’ils sont à la fois des culs-serrés et des peine-à-jouir, qui ont pris le pli du confinemen­t covidien et ne parviennen­t plus à s’en défaire, comme s’ils y trouvaient, aussi étrange que cela puisse paraître, un confort mental.

On en trouve peut-être même pour se désoler, avec le retour à la normale, de ne plus pouvoir jouer aux curés et de ne plus avoir l’occasion de sermonner et de culpabilis­er une population apeurée, toujours à la recherche de règles plus strictes et d’un bouc émissaire à dénoncer.

Si certains ne se sentent pas prêts à replonger dans la vie sociale, très bien. Tous n’assimilent pas leur vision du bonheur à un banquet ne se terminant jamais. Comme on dit, que chacun aille à son rythme.

Mais dès lors que les autorités, qui ne manquent pas de prudence, autorisent la réouvertur­e des terrasses, faut-il vraiment transforme­r en suspects ceux qui en profitent ?

RESPONSABI­LITÉ

Nous avons tous compris que la pandémie n’est pas terminée, et que pour plusieurs mois encore, nous ne vivrons pas encore dans une belle insoucianc­e, que les autorités gardent la situation sanitaire à l’oeil, et qu’elles déconfinen­t prudemment. Nous savons aussi, et il est essentiel de le redire, que seule la vaccinatio­n massive nous sortira de ce bourbier.

Mais cela dit, il est normal que nous assistions à des explosions de joie.

C’est un slogan qui circule depuis un an : il faudrait vivre avec le virus. Longtemps, on s’est demandé ce qu’il voulait dire. Nous le savons maintenant.

Cela veut dire recommence­r à vivre. À vivre intelligem­ment, certes. Mais à vivre vraiment.

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MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com
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