L’impudeur qu’on ne devait plus revoir
La crise financière de 2008 a cogné dur. Comme toutes les périodes douloureuses, elle était censée nous avoir laissé quelques leçons. Parmi celles-ci, nous ne pourrions plus répéter l’indécence de verser généreusement des bonis à de hauts dirigeants d’entreprises ayant eu recours à l’aide massive des gouvernements.
Voilà qu’au Canada, une décennie plus tard, on le refait. Et devinez qui ? Air Canada. Qui d’autre ? Une entreprise qui se comporte souvent comme un monopole. Une entreprise qui fait la pluie et le beau temps avec les organismes réglementaires canadiens, comme nous l’a rappelé l’épisode de la transaction abandonnée avec Air Transat.
Air Canada a versé plus de 20 M$ en primes diverses à ses dirigeants. Pourtant, le transporteur aérien fait partie des entreprises au Canada ayant le plus abondamment profité de la subvention salariale instaurée par Justin Trudeau pendant la pandémie. On comprend bien que l’industrie aérienne fut l’une des plus affectées par les contraintes résultant de la COVID-19.
C’est au nom de l’urgence qu’air Canada demande l’aide des contribuables
APPEL AUX CONTRIBUABLES
Les programmes étaient mis en place pour soutenir de tels secteurs, frappés de plein fouet, et garder en vie les joueurs en vue de la reprise. Il y a plusieurs entreprises des secteurs du voyage et du tourisme qui y ont eu recours. Dans le cas d’air Canada, la subvention salariale est loin d’avoir suffi : une aide spécifique de 6 milliards $ a été annoncée en surplus, en avril dernier.
À l’été 2009, la population des ÉtatsUnis avait été outrée de constater qu’une partie du plan de sauvetage des banques (de 700 milliards $ !) avait servi à enrichir les banquiers eux-mêmes. Le plan avait été présenté à la population comme un effort pour éviter les faillites des banques, limiter le rappel des hypothèques et stopper l’effet domino sur l’économie.
Quelques mois plus tard, les rapports financiers des banques concernées avaient scandalisé le public, alors qu’on y découvrait que les banquiers s’étaient servis allègrement dans le buffet. La banque Citigroup, par exemple, avait versé plus de 5 milliards $ en bonis à ses cadres et dirigeants. Pour les récompenser d’avoir fait des pertes historiques !
CAPITALISME ET INDÉCENCE
Autant je crois aux vertus du système capitaliste, autant je déteste cette indécence. Lorsqu’un inventeur, un innovateur ou un bâtisseur frappe un coup de circuit et récolte gros, je me réjouis pour lui ou elle. Et si cela représente beaucoup de millions, bravo ! Rien n’a été volé.
À l’inverse, voir des dirigeants s’empiffrer dans l’argent issu de l’aide gouvernementale, pas capable ! Lorsqu’une entreprise traverse une crise si intense qu’elle requiert que les gouvernements sortent le chéquier, il faut savoir se retenir.
Dans le cas d’air Canada, le gouvernement Trudeau avait accompagné son programme d’aide d’un mécanisme pour limiter la rémunération des hauts dirigeants. Va-t-il aujourd’hui avoir le courage de rappeler à l’ordre cette entreprise qui utilise des moyens détournés pour gâter ses patrons ? Les salariés d’air Canada et le public l’espèrent.