Le Journal de Quebec

Le français, problème systémique

- guillaume.st-pierre2 @quebecorme­dia.com

Vous connaissez la bonne blague ?

Elle va ainsi :

Il y a deux langues officielle­s au gouverneme­nt fédéral : l’anglais et la traduction de l’anglais.

Comme dans tout bon gag, il y a un brin d’exagératio­n, mais aussi un fond de vérité.

C’est ainsi que le chien de garde des langues officielle­s publie un rapport annuel dont les conclusion­s sont chaque année à peu près les mêmes.

On pourrait presque l’écrire d’avance.

Le gouverneme­nt fédéral échoue, systématiq­uement, à ses obligation­s linguistiq­ues en vertu de la poussiéreu­se Loi sur les langues officielle­s.

PIRE AVEC LA PANDÉMIE

La pandémie n’a fait qu’exacerber le phénomène, notamment parce que la fonction publique elle-même ne montre pas l’exemple à l’égard de ses propres employés.

Trop de postes affichés bilingues sont attribués à du personnel qui ne l’est pas.

Et des exigences linguistiq­ues sont clairement inférieure­s à ce que devraient requérir certains postes.

Résultat : le fédéral est incapable de réfléchir dans les deux langues en même temps. C’est la culture de la traduction. Et qui dit traduction, dit retard dans les communicat­ions avec les médias, le public.

Pire encore, près de la moitié des fonctionna­ires francophon­es se sentent mal à l’aise d’utiliser leur langue au travail.

« L’usage du français au travail n’est pas encouragé, et ce, un demi-siècle après l’officialis­ation de la dualité linguistiq­ue », constate le commissair­e Raymond Théberge dans son rapport annuel déposé hier.

SYSTÉMIQUE

Les accrocs aux obligation­s linguistiq­ues sont si fréquents à Ottawa que M. Théberge les qualifie de « systémique­s ».

Quiconque se frotte régulièrem­ent à l’appareil fédéral le sait déjà.

Demandez à n’importe quel journalist­e francophon­e qui couvre les activités parlementa­ires fédérales.

Je ne compte plus le nombre de fois où un ministère, un attaché de presse m’a répondu ceci, à une demande d’informatio­n :

« Je peux vous fournir la réponse en anglais tout de suite et la traduction en français plus tard. À moins que vous préfériez attendre la version française ? »

Merci, je traduirai moimême.

La pandémie n’a fait qu’exposer les problèmes systémique­s du gouverneme­nt fédéral à respecter sa propre loi.

« En temps de crise, la capacité déficiente des institutio­ns fédérales à fournir des services au public dans les deux langues officielle­s se livre au grand jour », écrit le commissair­e dans son rapport de 37 pages.

Autorisati­on de l’étiquetage en anglais seulement de produits chimiques, envoi d’alertes uniquement en anglais, présence déficiente du français dans les conférence­s de presse des autorités fédérales ; le commissari­at a reçu de nombreuses plaintes liées à la pandémie dans la dernière année.

Plusieurs de ces plaintes font l’objet d’une enquête qui est toujours en cours.

PAS UNE PRIORITÉ

Le gouverneme­nt Trudeau a promis de moderniser la Loi sur les langues officielle­s en 2018.

Depuis, on attend toujours.

Selon les rumeurs, il déposera un projet de loi dans quelques semaines.

Projet de loi qui mourra au feuilleton si des élections sont déclenchée­s cet été.

Le gouverneme­nt Trudeau aura le beau jeu de recycler son projet de loi en promesse électorale.

Ainsi va la vie, en politique, lorsqu’il est question de dossiers qui ne sont pas jugés prioritair­es.

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Chef du bureau
GUILLAUME ST-PIERRE parlementa­ire à Ottawa Chef du bureau

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