Fitzgibbon s’en va pour un million $
Visé par un quatrième rapport de la commissaire à l’éthique, il demeurera malgré tout député
François Legault perd un poids lourd de son cabinet. Visé par un nouveau rapport de la commissaire à l’éthique, son ministre de l’économie, Pierre Fitzgibbon, a quitté ses fonctions, tout en demeurant député.
Le premier ministre défendait son ministre vedette depuis plusieurs mois, mais un quatrième rapport de Me Ariane Mignolet est venu sceller son sort. La décision, assure M. Legault, a été prise d’un commun accord.
« Si Pierre Fitzgibbon n’est pas en conflit d’intérêts, il reste que, dans sa forme actuelle, il ne respecte pas le code [d’éthique], et donc pour protéger la réputation, l’image, la confiance, malheureusement, la seule solution, c’est que Pierre Fitzgibbon quitte ses fonctions de ministre de l’économie », a déclaré François Legault, attristé, lors d’un point de presse.
La commissaire à l’éthique venait tout juste de recommander de retirer au ministre le droit de siéger à titre de député, jusqu’à ce qu’il ait vendu ses participations dans deux entreprises, White Star Capital et Immervision.
Celles-ci entretiennent des liens avec le gouvernement, affirme la commissaire, ce que contredit l’ex-ministre. « Je respecte la commissaire à l’éthique, mais selon moi, il n’y avait pas de transactions avec l’état », dit M. Fitzgibbon.
EN INFRACTION
Un rapport précédent lui demandait déjà de se départir de ses parts, mais le ministre se trouvait toujours en infraction six mois plus tard, se disant incapable de vendre sans encaisser une perte qu’il estime à au moins un million de dollars.
En plus de « miner la confiance du public envers [les] élus et les institutions démocratiques », la situation du ministre le plaçait dans l’illégalité, puisque le code relève d’une loi de l’assemblée nationale.
François Legault a déjà annoncé que son gouvernement votera contre la sanction recommandée par la commissaire, puisque celle-ci l’obligerait à placer ses actions dans une fiducie sans droit de regard, l’empêchant ainsi de les vendre et de regagner son siège de ministre.
Pourtant, Pierre Fitzgibbon a déclaré à plusieurs médias qu’il placera ses intérêts dans un mandat sans droit de regard, une autre option proposée par Me Mignolet, en contradiction apparente avec les raisons évoquées par M. Legault.
UN MINISTRE, DEUX MINISTÈRES
Le départ de M. Fitzgibbon arrive à un moment qui n’est pas « idéal », reconnaît le premier ministre, alors que le Québec cherche à relancer son économie à la suite de la pandémie ( voir page 29). Cette tâche incombera désormais au ministre des Finances, Eric Girard, qui dirigera les deux ministères.
François Legault assure qu’il épaulera lui-même l’ex-banquier, se disant « un peu ministre de l’économie aussi ». De plus, il continuera de consulter son ex-ministre. « Je ne vois pas pourquoi je me priverais de ses conseils », dit-il. Et un retour de M. Fitzgibbon autour de la table du Conseil des ministres n’est pas exclu, s’il trouve un acheteur pour ses intérêts.
REVOIR LE CODE D’ÉTHIQUE
En entrevue, l’ex-ministre se montre serein, même s’il dit avoir « adoré » son travail. « Je sentais que ma présence était devenue problématique, au niveau politique », explique-t-il.
Tout comme François Legault, Pierre Fitzgibbon estime que l’assemblée nationale doit revoir son code d’éthique pour permettre à des investisseurs de siéger sans liquider leurs placements. « Maintenant, je peux le dire, le code d’éthique est un code d’une autre époque », dit-il.
L’ex-ministre rappelle qu’il a notamment siégé au conseil d’administration de la Caisse de dépôt, où les membres pouvaient avoir des intérêts dans diverses entreprises. « Il y a des mécanismes contemporains qui empêchent les conflits d’intérêts ».
Pour le mandat en cours, Pierre Fitzgibbon assure qu’il demeurera en poste à titre de député. Quant à la prochaine élection, sa candidature dépendra de sa capacité à vendre ses intérêts d’ici là.