Le Journal de Quebec

Fitzgibbon s’en va pour un million $

Visé par un quatrième rapport de la commissair­e à l’éthique, il demeurera malgré tout député

- PATRICK BELLEROSE

François Legault perd un poids lourd de son cabinet. Visé par un nouveau rapport de la commissair­e à l’éthique, son ministre de l’économie, Pierre Fitzgibbon, a quitté ses fonctions, tout en demeurant député.

Le premier ministre défendait son ministre vedette depuis plusieurs mois, mais un quatrième rapport de Me Ariane Mignolet est venu sceller son sort. La décision, assure M. Legault, a été prise d’un commun accord.

« Si Pierre Fitzgibbon n’est pas en conflit d’intérêts, il reste que, dans sa forme actuelle, il ne respecte pas le code [d’éthique], et donc pour protéger la réputation, l’image, la confiance, malheureus­ement, la seule solution, c’est que Pierre Fitzgibbon quitte ses fonctions de ministre de l’économie », a déclaré François Legault, attristé, lors d’un point de presse.

La commissair­e à l’éthique venait tout juste de recommande­r de retirer au ministre le droit de siéger à titre de député, jusqu’à ce qu’il ait vendu ses participat­ions dans deux entreprise­s, White Star Capital et Immervisio­n.

Celles-ci entretienn­ent des liens avec le gouverneme­nt, affirme la commissair­e, ce que contredit l’ex-ministre. « Je respecte la commissair­e à l’éthique, mais selon moi, il n’y avait pas de transactio­ns avec l’état », dit M. Fitzgibbon.

EN INFRACTION

Un rapport précédent lui demandait déjà de se départir de ses parts, mais le ministre se trouvait toujours en infraction six mois plus tard, se disant incapable de vendre sans encaisser une perte qu’il estime à au moins un million de dollars.

En plus de « miner la confiance du public envers [les] élus et les institutio­ns démocratiq­ues », la situation du ministre le plaçait dans l’illégalité, puisque le code relève d’une loi de l’assemblée nationale.

François Legault a déjà annoncé que son gouverneme­nt votera contre la sanction recommandé­e par la commissair­e, puisque celle-ci l’obligerait à placer ses actions dans une fiducie sans droit de regard, l’empêchant ainsi de les vendre et de regagner son siège de ministre.

Pourtant, Pierre Fitzgibbon a déclaré à plusieurs médias qu’il placera ses intérêts dans un mandat sans droit de regard, une autre option proposée par Me Mignolet, en contradict­ion apparente avec les raisons évoquées par M. Legault.

UN MINISTRE, DEUX MINISTÈRES

Le départ de M. Fitzgibbon arrive à un moment qui n’est pas « idéal », reconnaît le premier ministre, alors que le Québec cherche à relancer son économie à la suite de la pandémie ( voir page 29). Cette tâche incombera désormais au ministre des Finances, Eric Girard, qui dirigera les deux ministères.

François Legault assure qu’il épaulera lui-même l’ex-banquier, se disant « un peu ministre de l’économie aussi ». De plus, il continuera de consulter son ex-ministre. « Je ne vois pas pourquoi je me priverais de ses conseils », dit-il. Et un retour de M. Fitzgibbon autour de la table du Conseil des ministres n’est pas exclu, s’il trouve un acheteur pour ses intérêts.

REVOIR LE CODE D’ÉTHIQUE

En entrevue, l’ex-ministre se montre serein, même s’il dit avoir « adoré » son travail. « Je sentais que ma présence était devenue problémati­que, au niveau politique », explique-t-il.

Tout comme François Legault, Pierre Fitzgibbon estime que l’assemblée nationale doit revoir son code d’éthique pour permettre à des investisse­urs de siéger sans liquider leurs placements. « Maintenant, je peux le dire, le code d’éthique est un code d’une autre époque », dit-il.

L’ex-ministre rappelle qu’il a notamment siégé au conseil d’administra­tion de la Caisse de dépôt, où les membres pouvaient avoir des intérêts dans diverses entreprise­s. « Il y a des mécanismes contempora­ins qui empêchent les conflits d’intérêts ».

Pour le mandat en cours, Pierre Fitzgibbon assure qu’il demeurera en poste à titre de député. Quant à la prochaine élection, sa candidatur­e dépendra de sa capacité à vendre ses intérêts d’ici là.

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 ?? PHOTO D’ARCHIVES, STEVENS LEBLANC ?? Francois Legault a défendu son ministre de l’économie et de l’innovation du Québec, Pierre Fitzgibbon, pendant plusieurs mois. La décision de voir M. Fitzgibbon quitter ses fonctions ministérie­lles a été prise d’un commun accord, assure le premier ministre. Les deux hommes sont photograph­iés en avril 2020 lors d’une conférence de presse.
PHOTO D’ARCHIVES, STEVENS LEBLANC Francois Legault a défendu son ministre de l’économie et de l’innovation du Québec, Pierre Fitzgibbon, pendant plusieurs mois. La décision de voir M. Fitzgibbon quitter ses fonctions ministérie­lles a été prise d’un commun accord, assure le premier ministre. Les deux hommes sont photograph­iés en avril 2020 lors d’une conférence de presse.

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