Question à 1 million $ pour Fitzgibbon
Heureusement que François Legault a décidé de rétrograder son ministre Pierre Fitzgibbon, hier.
Cela répare – un peu – l’outrage du point de presse du 8 décembre, où le premier ministre et son ministre avaient fait un bras d’honneur à une institution du Parlement.
Souvenez-vous : la commissaire à l’éthique avait remis un rapport où elle proposait de blâmer (une deuxième fois) le ministre de l’économie pour une contravention au code.
M. Legault expliquait alors que le code d’éthique, donc une loi, ne devrait pas s’appliquer à une personne aussi compétente. Et le code devait être changé au plus vite.
TRIPOTAGES
Ces propos m’avaient rappelé les circonstances qui ont justement conduit à l’adoption d’un code d’éthique, en 2012.
Avant cette époque, le premier ministre était seul responsable d’une liste de « directives éthiques » pour les ministres.
Or, Jean Charest ne cessait, au gré des cas particuliers, de les ajuster. Les partis d’opposition lui reprochaient ce tripotage.
En septembre 2009, après une série d’articles sur l’entreprise d’asphaltage de son ministre David Whissell, il décida de resserrer les règles. Whissell démissionna.
Charest appela alors luimême de ses voeux l’adoption, par les élus, d’un code, et la création d’un poste de commissaire à l’éthique.
C’est ce code, fruit d’années de débats, que M. Legault a voulu changer en décembre, pour accommoder son ministre. S’il s’était retrouvé dans la situation de 2009, gageons qu’il se serait sans doute lui aussi adonné à un peu de tripotage.
Mais non, il fallut un autre rapport, déposé hier, sur les mêmes faits re-prochés à M. Fitzgibbon, pour qu’enfin MM. Legault et Fitzgibbon redécouvrent la maxime « dura lex, sed lex » .
Peut-être en effet que la loi est trop « dure » ? M. Fitzgibbon ne s’est après tout livré à aucune malversation. La commissaire Mignolet a elle-même déjà évoqué la possibilité de modifier le code. Mais n’avait d’autre choix ici que de l’appliquer tel quel.
STIMULÉ
On croyait M. Fitzgibbon peu attaché à sa carrière politique. Surtout depuis sa déclaration de 2019 selon laquelle il n’hésiterait pas à démissionner si sa présence était perçue comme « négative ».
Mais M. Fitzgibbon est tombé amoureux de la politique ; l’emploi le plus « stimulant intellectuellement » qu’il n’ait jamais occupé. Il est en plus entré en relation conjugale avec une collègue ministre.
QUESTIONS
Il accepte donc de faire un pas en arrière, afin de régulariser sa situation et de revenir dans le Saint des Saints. Mais il y a des zones d’ombre.
La CAQ votera contre le rapport Mignolet à cause d’une contradiction interne, a expliqué M. Legault. M. Fitzgibbon redevenu député devrait, pour se conformer, mettre ses actions de White Star Capital et d’immervision dans son mandat sans droit de regard. Si ces derniers mots ont un sens, il ne pourrait alors donner à son mandataire la directive de les vendre ! Or, dans des entrevues, hier soir, M. Fitzgibbon a contredit le premier ministre : ces intérêts étaient déjà à vendre !
Autre bizarrerie: la valeur des pertes de M. Fitzgibbon, s’il vendait « à escompte ». M. Legault dit 1 million $.
Or, M. Fitzgibbon a souvent parlé d’une « petite » portion de son bilan personnel. Son sacrifice financier était-il si grand?