Le Journal de Quebec

Question à 1 million $ pour Fitzgibbon

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Heureuseme­nt que François Legault a décidé de rétrograde­r son ministre Pierre Fitzgibbon, hier.

Cela répare – un peu – l’outrage du point de presse du 8 décembre, où le premier ministre et son ministre avaient fait un bras d’honneur à une institutio­n du Parlement.

Souvenez-vous : la commissair­e à l’éthique avait remis un rapport où elle proposait de blâmer (une deuxième fois) le ministre de l’économie pour une contravent­ion au code.

M. Legault expliquait alors que le code d’éthique, donc une loi, ne devrait pas s’appliquer à une personne aussi compétente. Et le code devait être changé au plus vite.

TRIPOTAGES

Ces propos m’avaient rappelé les circonstan­ces qui ont justement conduit à l’adoption d’un code d’éthique, en 2012.

Avant cette époque, le premier ministre était seul responsabl­e d’une liste de « directives éthiques » pour les ministres.

Or, Jean Charest ne cessait, au gré des cas particulie­rs, de les ajuster. Les partis d’opposition lui reprochaie­nt ce tripotage.

En septembre 2009, après une série d’articles sur l’entreprise d’asphaltage de son ministre David Whissell, il décida de resserrer les règles. Whissell démissionn­a.

Charest appela alors luimême de ses voeux l’adoption, par les élus, d’un code, et la création d’un poste de commissair­e à l’éthique.

C’est ce code, fruit d’années de débats, que M. Legault a voulu changer en décembre, pour accommoder son ministre. S’il s’était retrouvé dans la situation de 2009, gageons qu’il se serait sans doute lui aussi adonné à un peu de tripotage.

Mais non, il fallut un autre rapport, déposé hier, sur les mêmes faits re-prochés à M. Fitzgibbon, pour qu’enfin MM. Legault et Fitzgibbon redécouvre­nt la maxime « dura lex, sed lex » .

Peut-être en effet que la loi est trop « dure » ? M. Fitzgibbon ne s’est après tout livré à aucune malversati­on. La commissair­e Mignolet a elle-même déjà évoqué la possibilit­é de modifier le code. Mais n’avait d’autre choix ici que de l’appliquer tel quel.

STIMULÉ

On croyait M. Fitzgibbon peu attaché à sa carrière politique. Surtout depuis sa déclaratio­n de 2019 selon laquelle il n’hésiterait pas à démissionn­er si sa présence était perçue comme « négative ».

Mais M. Fitzgibbon est tombé amoureux de la politique ; l’emploi le plus « stimulant intellectu­ellement » qu’il n’ait jamais occupé. Il est en plus entré en relation conjugale avec une collègue ministre.

QUESTIONS

Il accepte donc de faire un pas en arrière, afin de régularise­r sa situation et de revenir dans le Saint des Saints. Mais il y a des zones d’ombre.

La CAQ votera contre le rapport Mignolet à cause d’une contradict­ion interne, a expliqué M. Legault. M. Fitzgibbon redevenu député devrait, pour se conformer, mettre ses actions de White Star Capital et d’immervisio­n dans son mandat sans droit de regard. Si ces derniers mots ont un sens, il ne pourrait alors donner à son mandataire la directive de les vendre ! Or, dans des entrevues, hier soir, M. Fitzgibbon a contredit le premier ministre : ces intérêts étaient déjà à vendre !

Autre bizarrerie: la valeur des pertes de M. Fitzgibbon, s’il vendait « à escompte ». M. Legault dit 1 million $.

Or, M. Fitzgibbon a souvent parlé d’une « petite » portion de son bilan personnel. Son sacrifice financier était-il si grand?

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