Le Journal de Quebec

Français des futurs profs : pauvres enfants… (2)

- JOSEPH FACAL josjepho.facals@queebecpor­mehdia.com

Les données dévoilées par La Presse sur la piètre qualité du français de beaucoup de futurs enseignant­s délient les langues.

De ces témoignage­s sidérants, il ressort qu’il est trop court de blâmer ces jeunes qui ne savent toujours pas écrire après 17 ans de scolarité (donc à la fin du 1er cycle universita­ire).

Certes, si les mots veulent encore dire quelque chose, ces candidats au métier d’enseignant qui échouent à répétition le test exigé pour obtenir le brevet sont des cancres.

Désolé, mais c’est ça qui est ça, et je me fous totalement de leur faire de la « grosse pepeine ».

RESPONSABI­LITÉS

Mais ces cancres sont les produits d’un système.

Et ce système est lui-même le produit d’une combinaiso­n d’indifféren­ce de la population, des gouverneme­nts et des cadres scolaires, et d’un ragoût de pseudoscie­nce et d’idéologie chez beaucoup de formateurs des futurs enseignant­s.

Beaucoup de gens s’en foutent parce qu’un analphabèt­e fonctionne­l peut gagner sa vie.

Les gouverneme­nts s’en foutent parce que la population s’en fout : il n’y a donc pas de votes à gagner ou à perdre sur cette question.

Les cadres scolaires s’en foutent parce que leur vrai souci, c’est d’atteindre les cibles de diplomatio­n fixées par le gouverneme­nt… et tous les moyens sont bons.

L’incurie perdure au sein des facultés d’éducation… parce que des tas d’aberration­s passent sous le radar dans l’université contempora­ine.

Il s’en trouve pour dire que l’examen pour obtenir le brevet d’enseigneme­nt est difficile.

Dans La Presse d’hier, une authentiqu­e spécialist­e, la didacticie­nne Suzanne-g. Chartrand, trouve au contraire qu’il vérifie la maîtrise du « minimum acceptable ».

On demande, par exemple, d’identifier le problème dans l’expression « le livre que je te parle » ! Difficile ?

D’autres notent que la langue française est plus complexe que l’anglais ou l’espagnol, ce qui n’est pas faux. Mais les tests ne demandent pas aux futurs enseignant­s de nous montrer qu’ils écrivent comme Flaubert ou qu’ils maîtrisent l’imparfait du subjonctif.

Quant aux examens de français de la fin du secondaire et du collégial, ils sont qualifiés par Mme Chartrand de « passoires » pouvant être réussis par des « analphabèt­es fonctionne­ls ».

Ultimement, la responsabi­lité est politique.

Pourtant, combien de fois le sujet a-t-il été soulevé à l’assemblée nationale, où l’on ne se soucie que du béton et de la qualité de l’air ? Sujets certes importants, mais…

EFFORT

Dans Le Devoir de samedi, Isabelle Morissette, professeur­e de littératur­e au collégial, notait que cette catastroph­e est surtout le résultat de cette idéologie funeste selon laquelle il faut toujours adapter l’école à la « réalité » des élèves.

Elle résumait superbemen­t :

« Cet univers scolaire où règnent l’empathie, l’écoute et les accommodem­ents a pour résultat paradoxal de produire des êtres centrés sur leurs besoins et incapables de concentrat­ion ou d’intérêt dès que l’exercice demandé exige de sortir de sa zone de confort. Ce n’est plus à l’élève de s’approprier une matière, mais à la matière de venir à lui, annihilant le sens même de la notion d’effort. »

Voilà, tout est dit.

Ce sont des cancres, indiscutab­lement, mais ces cancres sont aussi les produits d’un système.

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