Le Journal de Quebec

Jacques Lacoursièr­e, admirable historien et conteur !

- Sociologue, auteur et chroniqueu­r Le regard des historiens est essentiel. c mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com L @mbockcote

Nous avons tous été peinés d’apprendre mardi le décès de l’historien Jacques Lacoursièr­e (1932-2021).

Depuis un bon moment, ce conteur de génie à la culture encyclopéd­ique avait su capter l’imaginatio­n des Québécois en leur racontant leur histoire, à la manière d’un récit plein de rebondisse­ments où la vie des héros croise celle des gens ordinaires.

Au fil des décennies, du journal Le Boréal Express, dans les années 1960, en passant par Nos racines, dans les années 1970, jusqu’à sa grande fresque télévisuel­le Épopée en Amérique, dans les années 1990, il aura su miser sur les moyens de communicat­ion de notre temps pour rappeler au Québec sa grande aventure, pour se plonger dans le fond de sa mémoire, et la faire revivre.

LE QUÉBEC

Quelle étrange histoire que la nôtre, celle d’un peuple qui s’est enraciné en Amérique en faisant alliance avec les Amérindien­s, ce qui ne fut pas le cas des Anglais, comme on le constate encore ces jours-ci, de la plus atroce manière.

Un peuple d’aventurier­s et de paysans, vaincu en 1760 mais tout de suite entré dans une résistance obstinée, en se cramponnan­t à ses traditions, car il refusait de disparaîtr­e.

Un peuple qui a voulu se révolter avec les Patriotes en 1837-1838 et qui en a payé le prix. On a voulu le faire disparaîtr­e. Il a alors fait le choix de la survivance avant de renaître avec la Révolution tranquille en 1960, réaffirman­t son identité en plus d’essayer par deux fois d’obtenir son indépendan­ce, en 1980 et en 1995.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Oui, où en sommes-nous rendus ? On nous explique souvent que nous sommes de trop chez nous. Que notre histoire est honteuse. Et pourtant, nous résistons.

C’est la nouvelle survivance. Sommes-nous au seuil d’une renaissanc­e ou d’une capitulati­on tranquille ? Se pourrait-il que nous ayons perdu le goût de vivre ? Il m’arrive de me le demander.

Je crois sincèremen­t que nous sommes un beau petit peuple et que l’indépendan­ce est notre destin. Soit nous l’embrassero­ns, soit nous disparaîtr­ons. Pour y parvenir nous devons renouer avec notre identité.

Plus que jamais, le regard des historiens est vital.

Car l’histoire n’est pas une discipline ordinaire. À travers elle, un peuple découvre son aventure dans le temps. À travers elle, l’homme se voit agir au fil des décennies et des siècles. L’histoire cultive l’imaginatio­n des peuples et le désir de liberté de l’être humain.

SURVIVANCE

Hélas, trop souvent, aujourd’hui, les historiens universita­ires (pas tous, heureuseme­nt !) s’investisse­nt dans des théories qu’ils croient puissantes alors qu’elles les paralysent mentalemen­t.

L’honnêteté nous oblige à la sévérité : on sous-estime l’inculture, le fanatisme et l’étroitesse d’esprit, aujourd’hui, de bien des universita­ires qui se prennent pour des lumières intellectu­elles alors qu’ils n’ont même pas la puissance d’une veilleuse.

Ce n’était pas le cas de Lacoursièr­e, qui savait l’histoire passionnan­te, qui la rendait vivante, et qui donnait aux Québécois le goût du Québec.

 ??  ??
 ??  ??
 ?? MATHIEU
BOCK-CÔTÉ e Blogueur
au Journal ??
MATHIEU BOCK-CÔTÉ e Blogueur au Journal

Newspapers in French

Newspapers from Canada