Le Journal de Quebec

Après le Rwanda, enquête sur les pensionnat­s ?

Une coalition d’avocats appelle la justice internatio­nale à enquêter sur un crime contre l’humanité

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S – Avec Raphaël Pirro, Florence Lamoureux et L’AFP

OTTAWA | Après s’être penchée sur les massacres de l’ex-yougoslavi­e et du Rwanda, la Cour pénale internatio­nale devrait s’intéresser aux enfants morts dans les pensionnat­s autochtone­s canadiens, d’après une coalition de 15 avocats.

Le groupe a adressé une lettre à la Cour pénale internatio­nale (CPI) pour lui demander d’enquêter sur la mort de 215 enfants au pensionnat autochtone de Kamloops, en Colombie-britanniqu­e, pour déterminer s’il s’agit d’un crime contre l’humanité.

Ces crimes sont « des violations graves commises dans le cadre d’une attaque à grande échelle contre toute population civile ». Ils regroupent notamment le meurtre, le viol, l’emprisonne­ment et les disparitio­ns forcées.

Pour Me Branden Miller, qui dirige la coalition, le drame de Kamloops répond à cette définition et la CPI a compétence pour agir, car ce crime a été commis en sol canadien par des agents du Vatican avec la complicité de l’état.

« Le gouverneme­nt canadien était parfaiteme­nt au fait de ces violations des droits humains – documentée­s depuis des années », souligne Amnistie internatio­nale Canada.

La CPI entreprend des poursuites lorsque les pays ne veulent ou ne peuvent pas le faire. Elle a notamment le pouvoir de contraindr­e les parties à divulguer toutes les informatio­ns et tous les documents relatifs à l’enquête, ce que l’état canadien et l’église refusent de faire depuis des années.

PROCÉDURE SOUHAITABL­E ?

Frédéric Mégret, codirecteu­r du centre sur les droits de la personne et le pluralisme juridique à l’université Mcgill, doute toutefois qu’une procédure devant la CPI soit possible ou souhaitabl­e.

« En droit canadien, tuer quelqu’un a des conséquenc­es criminelle­s. Le premier réflexe doit être de traiter l’affaire sous l’égide du

Code pénal canadien. Ce serait infiniment moins compliqué », explique-t-il.

« Une enquête criminelle doit être menée pour que l’on sache qui sont ces enfants, quand et comment ils sont morts et qui est responsabl­e de leur mort », renchérit l’historienn­e Emma Anderson, du Départemen­t des études classiques et religieuse­s de l’université d’ottawa.

M. Mégret met toutefois en garde contre la recherche de culpabilit­és individuel­les dans ce dossier, car « on risquerait de passer à côté du caractère systémique du problème et de la responsabi­lité collective ».

LA PRESSION MONTE SUR L’ÉGLISE

Pendant ce temps, la pression monte sur l’église catholique.

« En tant que catholique, je vais avouer que je trouve ça très difficile que l’église catholique refuse encore de s’excuser et de participer au processus important de vérité et de guérison dans lequel nous embarquons », a déclaré hier le premier ministre Justin Trudeau.

M. Trudeau a rappelé qu’il avait déjà tenté de « passer le message » lui-même au pape, mais qu’il s’était heurté à un mur de silence.

L’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, a déclaré que l’église doit assumer sa part de blâme dans ce drame historique, et s’est dit prêt à permettre d’éventuelle­s fouilles dans les pensionnat­s du Québec.

En entrevue à QUB hier, Mgr Lépine a offert ses excuses et souligné que l’église catholique « s’est faite complice, d’une façon ou d’une autre », de cette « erreur dramatique ».

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FRÉDÉRIC MÉGRET
Professeur
PHOTO AFP Une petite robe rouge a été accrochée sur une croix le long de la route menant au pensionnat de Kamloops, en Colombie-britanniqu­e. FRÉDÉRIC MÉGRET Professeur

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