Le Journal de Quebec

Il a tué ma mère

- GENEVIÈVE PETTERSEN genevieve.pettersen@quebecorme­dia.com Animatrice radio et chroniqueu­se

Alors que le Québec apprenait avec stupéfacti­on qu’un 12e féminicide avait eu lieu, j’ai vu défiler sur ma page Facebook une publicatio­n de Geneviève Caumartin.

J’ai rencontré Geneviève autour de 2017. Je ne connais pas la famille de Lisette Corbeil, la victime de cette semaine. Mais je sais que ces gens-là ont une chose en commun avec Geneviève Caumartin : ils partagent la douleur d’avoir perdu une femme qu’ils aimaient au moment où celle-ci avait mis fin à une relation amoureuse.

UN CONTRÔLE ABSOLU

Revenons à 2017. Geneviève Caumartin me raconte, assise à la table de sa cuisine, comment elle a peu à peu perdu sa mère, Francine Bissonnett­e, aux mains de Daniel Déry. Elle me parle de la jalousie maladive de l’homme et du contrôle coercitif qu’il exerçait sur sa mère, et ce, très tôt dans la relation. « Juste pour te donner une idée, à la fin, ma mère n’avait même plus le droit de passer devant les fenêtres de sa maison si les rideaux n’étaient pas fermés. »

Geneviève m’a ensuite expliqué tout ce qu’elle avait mis en oeuvre pour sauver sa mère des griffes de Daniel Déry. Elle m’a raconté son sentiment d’impuissanc­e, sa peur et sa colère. Une colère contre un système qui n’a pas pu empêcher le plus terrible de se produire le 5 juin 2016.

Quand les policiers sont venus lui annoncer que sa mère était décédée, Geneviève n’a pas pu s’empêcher de se dire que le pire, elle l’avait vu venir. « Comment tu penses que je me sentais ? C’était comme si mon pire cauchemar se réalisait. » Francine avait peur de Daniel. Lisette Corbeil, elle aussi, devait avoir des craintes. Une demande pour interdire à son ex-conjoint d’utiliser une arme à feu avait d’ailleurs été déposée à la cour. On connaît la suite.

Je reviens à la publicatio­n Facebook de Geneviève Caumartin.

Avant même le début de son procès, le meurtrier de sa mère, à la suite d’une entente entre la Couronne et la défense, s’est vu imposer une peine de 12 ans de prison pour homicide involontai­re.

LE SYSTÈME ÉCARTE LES VICTIMES

L’affaire, c’est que Daniel Déry va demander le 7 juillet prochain sa libération conditionn­elle. Ce jour-là, Geneviève Caumartin devra à nouveau se plonger dans l’horreur et raconter son histoire, une histoire qui a eu des conséquenc­es tragiques sur sa vie, mais aussi sur celle de sa petite fille.

« Elle était très proche de sa mamie. » La révolte, l’impuissanc­e et le dégoût face au système des libération­s conditionn­elles, c’est ça qu’elle est venue écrire sur Facebook.

Geneviève se demande, et avec raison, comment un assassin peut passer de meurtrier à « potentiell­ement en liberté » en un si court laps de temps. Mais Geneviève ne le saura pas. Nous non plus, d’ailleurs. Parce que le Service des libération­s conditionn­elles tient à ce que ce processus demeure confidenti­el.

Le 5 juin 2016, après l’avoir terrorisée pendant des mois, Daniel Déry a étranglé Francine Bissonnett­e avec une ceinture, dans le lit conjugal.

Homicide involontai­re, je vous disais. Et le 7 juillet prochain, 5 ans à peine après le crime, on le laissera peut-être sortir de prison.

« Comment tu penses que je me sens ? » m’a dit Geneviève.

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2016.
PHOTO COURTOISIE Geneviève Caumartin avec sa mère Francine Bissonnett­e, tuée par son conjoint en 2016.
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