La dégringolade de notre réseau des services de garde
Monsieur Mathieu Lacombe,
Je ne voudrais pas être ministre de la Famille en ce moment. Je serais tout simplement incapable de constater l’écroulement du réseau des services de garde au Québec d’un point de vue politique.
Vous n’êtes pas le seul responsable, certes. Vous avez été nommé ministre alors que le réseau s’effritait déjà. Depuis votre arrivée, et surtout, depuis le début de la pandémie, plusieurs mesures ont été mises en place. À rebours, on y compte des bonis financiers sur deux ans pour les responsables en milieu familial, l’offre de formation accélérée et la diminution des ratios d’éducatrices qualifiées. Toutes des mesures pouvant soutenir le réseau temporairement. C’est comme construire une maison en zone inondable : un jour ou l’autre, on se retrouvera les pieds dans l’eau.
LA QUALITÉ DES SERVICES OFFERTS
Les mesures proposées cherchent à attirer de nouveaux éducateurs, mais qu’en est-il des éducateurs essoufflés qui portent déjà le réseau à bout de bras ? Qu’en est-il de la qualité des services offerts à nos enfants ? On va jusqu’à proposer des emplois à n’importe qui ayant plus de 18 ans, uniquement pour éviter les bris de services, pour permettre aux parents d’aller travailler.
Seriez-vous prêt à confier votre santé à un passant dans la rue ? C’est pourtant ce qu’on fait avec le développement global et la sécurité affective de nos enfants. On « patche » les trous pour être en mesure de continuer, exactement comme pour l’état des rues de Montréal. Ça deviendra de plus en plus difficile de « patcher » quand il ne restera que des trous…
DES SOLUTIONS À LONG TERME
Les conditions de travail déplorables de nos éducateurs sont la cause principale de leur exode, de la diminution des demandes d’admission en Techniques d’éducation à l’enfance, de cette pénurie qui prend en otage les familles québécoises. Valorisons la formation de qualité et bonifions les conditions de travail pour les éducateurs qualifiés. C’est la principale mesure devant être appliquée, et pourtant, on l’écarte du revers de la main. Misons sur la qualité de nos services, par des éducateurs compétents, reconnus et payés à leur juste valeur.
Je ne suis plus éducatrice aujourd’hui. La raison est bien simple : étant mère monoparentale de deux enfants, avec le salaire d’éducatrice, je serais officiellement sous le seuil de faible revenu, et ce, à 6000 $ en deçà.
Détenant un diplôme d’études collégiales (DEC) en Techniques d’éducation à l’enfance, un baccalauréat en éducation, et amorçant une maîtrise, je considère que je mérite davantage que le seuil de faible revenu, et mes enfants aussi.
Monsieur le Ministre, je ne voudrais pas occuper votre poste. Mais une chose est certaine, c’est que vous avez le pouvoir d’influencer le cours de l’histoire de notre réseau des services de garde au Québec. Vous avez le pouvoir de reconnaître le travail de nos éducateurs et d’attirer les jeunes vers cette magnifique profession, où l’on fait une réelle différence pour les générations à venir.
Marilyn Charbonneau
Ancienne éducatrice à l’enfance et maintenant enseignante en Techniques d’éducation à l’enfance, Saint-eustache