Le Journal de Quebec

Nés pour être insultés

- DENISE BOMBARDIER Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure c denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Jadis on était nés pour un petit pain. Or, des Canadiens français ont brisé cet atavisme. Ils sont devenus riches. Certains, très riches, depuis 60 ans.

On était aussi nés ignorants. La Révolution tranquille, en démocratis­ant l’éducation, nous a permis d’accéder aux études supérieure­s. Le Journal de Montréal, jadis réservé aux « non-instruits », compte aujourd’hui quatre chroniqueu­rs permanents qui détiennent un doctorat. C’est plus que Le Devoir et La Presse réunis. Mais qu’on soit riches, hautement scolarisés et cultivés, le Canada anglais dans sa vaste majorité nous met tous dans le même panier quand il s’agit de nous décrire. Nous serions racistes et islamophob­es.

Le premier ministre Justin Trudeau, peu instruit et cultivé contrairem­ent à son père, a réussi à affirmer en même temps que la loi 21 n’encouragea­it pas la haine et la discrimina­tion, mais que le port du masque en pandémie allait sans doute changer la perception des Québécois quant à la loi 21.

En termes plus clairs, les Québécois viennent de se réveiller. La majorité comprend que la loi sur la laïcité est discrimina­toire, donc raciste.

LA LAÏCITÉ

Que cela soit proclamé d’un océan à l’autre, a mari usque ad mare. Tout attentat contre les musulmans au Canada anglais s’explique par l’islamophob­ie québécoise, rattachée au concept de la laïcité, qui déteint sur le temple de supériorit­é morale qu’est le Canada anglais.

Donc, le premier ministre, mais aussi, peu importe ce qu’il en dit, Jagmeet Singh, l’incarnatio­n de la gauche glamour canadienne, considèren­t la laïcité inscrite dans l’identité québécoise comme la menace à « leur » démocratie.

Les Québécois des génération­s passées ont accusé le coup de tous les mépris, insultes et rejets. La génération qui a traversé deux campagnes référendai­res a perdu ses dernières illusions. Quelle douleur n’a pas été la nôtre de subir aussi les assauts et les insultes de Québécois francophon­es déchaînés contre les « péquisses », qu’ils abhorraien­t lors de rassemblem­ents où les anglos faisaient profil bas. Il n’y avait rien de plus intolérabl­e et de blessant que de voir les non-francophon­es se réjouir en laissant les « de souche » se déchirer.

Les jeunes francophon­es d’aujourd’hui ne réagissent qu’à l’insulte personnell­e. Car le multicultu­ralisme, cette idéologie diversitai­re, alimenté par la culture woke, a laminé en eux l’indignatio­n collective. La rupture des génération­s s’explique d’abord par l’absence de transmissi­on de la mémoire historique.

LE CANADA POSTNATION­AL

Quel vrai lien conservons-nous avec le Canada postnation­al, nous, les francophon­es d’un Québec détricoté ?

Avons-nous oublié la réaction médiatique du Canada anglais lors de la tragédie de la mosquée de Québec, qui se résume par ce genre de commentair­e : « Évidemment, l’assassin est un Québécois francophon­e radical, nourri de la culture d’intoléranc­e au Québec » ?

Dit-on de l’ontarien qui a choisi de tuer des musulmans qu’il s’inscrit dans l’islamophob­ie canadienne-anglaise ? Au contraire, les médias anglophone­s tentent de rattacher son acte de barbarie à la loi 21.

Quel avenir pour le Québec, insulté dans cette période décadente, alors que sa population francophon­e est en voie de disparitio­n ?

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Ô Canada, terre de quels aïeux ?
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