Le Journal de Quebec

Le fléau du baragouina­ge

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Après avoir lu tous vos courriels au sujet du « marmonnage » des acteurs québécois, j’en suis venue à quatre conclusion­s...

1 ) Vous êtes nombreux à activer l’option sous-titres pour être sûrs de pouvoir suivre les dialogues.

2 ) Vous êtes nombreux à trouver que La Faille et District 31 sont deux des émissions où l’on marmonne le plus.

3 ) Vous êtes nombreux à vous plaindre également du marmonnage chez les chanteurs québécois.

4 ) Vous vous plaignez du fait que le phénomène est amplifié par une musique trop envahissan­te.

Une chose est sûre, vous en avez lourd sur le coeur, et les producteur­s, diffuseurs, décideurs devraient écouter vos doléances : le marmonnage, ça vous écoeure !

LE PARLER MOU

« C’est un fléau » m’a carrément lancé Yves Desgagnés, quand je l’ai interviewé hier à QUB radio au sujet du marmonnage.

Celui qui a de l’expérience comme acteur, réalisateu­r et prof à l’école nationale de théâtre est convaincu que le phénomène s’explique en grande partie parce qu’on engage de plus en plus de jeunes acteurs qui n’ont pas eu de formation. On favorise le jeu naturel, le talent brut qui n’a pas été travaillé.

Mais ce n’est pas en suivant quelques ateliers qu’on peut arriver à bien articuler, à bien placer l’accent tonique, à bien détacher les syllabes.

« Ça prend une discipline athlétique », m’a dit Desgagnés, qui m’a appris que feu Jean-louis Millette faisait tous les jours des exercices de diction.

Ne croyez surtout pas qu’yves Desgagnés ou moi voulons que tous les acteurs et comédiens se mettent à parler en cul de poule avec un accent parisien. On peut très bien parler le langage populaire québécois en ar.ti.cu.lant.

Yves m’a cité entre autres Rita Lafontaine, qui a été une interprète extraordin­aire des oeuvres de Michel Tremblay, mais qui avait une diction parfaite.

Même si tu dis : « Enwèye à maison », si tu le prononces comme il faut, tout le monde va te comprendre. Mais si tu récites du Molière et que tu mâches tes mots, personne ne te comprendra.

Bref, même dans les films québécois qui se déroulent dans un milieu populaire, on est en droit d’exiger que les acteurs cessent de marmonner.

LE BON PARLER

Après la publicatio­n de ma chronique de mercredi, mon amie Denise Bombardier m’a raconté une anecdote charmante. Quand elle était jeune, elle suivait, comme beaucoup de jeunes enfants, des cours de diction avec la célèbre Madame Audet. Celle qui a appris l’art de la diction à Dominique Michel, Monique Miller, Jean-louis Roux, Gilles Pelletier, Béatrice Picard, et bien d’autres.

Madame Audet habitait au rez-de-chaussée d’un grand triplex, au 3959, Saint-hubert à Montréal, au coeur du Plateau Mont-royal. Les cours se donnaient au sous-sol.

Denise m’a raconté qu’elle se souvient très bien d’avoir entendu Madame Audet enseigner à Maurice Richard comment… prononcer son nom : « Maurice Richard ».

Elle le faisait répéter jusqu’à tant qu’il détache bien les sons pour qu’on le comprenne.

Un des textes que Madame Audet faisait apprendre à ses jeunes élèves allait comme suit : « Il y a dans la vie des sons et des bruits familiers à nos oreilles / En les écoutant attentivem­ent, on peut découvrir des merveilles… »

Y a-t-il au Québec, aujourd’hui, une Madame Audet pour tous ces acteurs qui baragouine­nt leurs répliques ?

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