Le Journal de Quebec

Une histoire québécoise

- GUILLAUME ST-PIERRE Chef du bureau parlementa­ire à Ottawa

On aurait tort de croire que la sombre histoire des pensionnat­s autochtone­s ne nous concerne pas, ou moins que dans le reste du Canada.

Vrai, ces établissem­ents étaient beaucoup moins nombreux et ont vu le jour un siècle plus tard au Québec.

Mais ces maisons de l’horreur ont existé ici, elles font partie intégrante de notre histoire, elles sont le reflet de nos mentalités et les ont façonnées jusqu’à aujourd’hui.

Le mythe du bon coureur des bois français, ami des Autochtone­s, a ses limites. Car c’est bien cela que nous avons appris dans nos cours d’histoire.

Dans nos manuels scolaires, les Canadiens français avaient bien peu à se reprocher dans le traitement réservé aux Premières Nations.

Il est vrai que la relation avec les Autochtone­s s’est transformé­e après la Conquête anglaise et à partir du 19e siècle avec la colonisati­on de l’ouest canadien.

L’assimilati­on et la destructio­n ont marqué les liens entre les premiers peuples et le nouveau pays qui naissait.

Difficile pour les Québécois, les Canadiens français, eux-mêmes conquis et victimes de politiques d’assimilati­on, de se voir comme oppresseur­s.

Or, le génocide culturel des Autochtone­s n’est pas qu’une histoire d’anglais, c’est aussi la nôtre, d’hier à aujourd’hui.

Sinon comment expliquer le rôle de l’église catholique dans la colonisati­on, Joyce Echaquan, le racisme systémique décrit par la commission Viens, ces pensionnat­s modernes qu’est la DPJ ?

PENSIONNAT­S MODERNES

Encore aujourd’hui, des milliers d’enfants autochtone­s sont arrachés à leur communauté pour être placés dans des familles d’accueil allochtone­s, souvent loin de chez eux.

Ces enfants sont largement surreprése­ntés dans le réseau de la protection de la jeunesse.

Un réseau qui n’est pas adapté à la réalité autochtone, et qui perpétue le cercle vicieux du déracineme­nt.

Dans l’ensemble du pays, la moitié des enfants de moins de 14 ans sous la protection de la jeunesse sont issus des Premières Nations, alors qu’ils représente­nt moins de 10 % de population.

Et que dire de ces nouveau-nés autochtone­s qui sont pris en charge par l’état dès leur naissance, car leur mère a déjà eu des démêlés avec la DPJ ?

« Nous sommes d’avis que l’interventi­on en protection de la jeunesse doit, dès maintenant, respecter certaines conditions assurant la sécurisati­on culturelle. Pour ce faire, des initiative­s autochtone­s ou en partenaria­t doivent être encouragée­s et financées », a écrit dans son rapport déposé en avril dernier la commissair­e Régine Laurent.

Comment se sortir de cette spirale infernale ?

Les Atikamekw ont développé un modèle de protection de l’enfance par et pour la communauté qui semble porter ses fruits.

D’autres nations ont soif d’autonomie en la matière.

DEVOIR

Même si le mythe du bon Canadien français a la couenne dure, les mentalités changent.

Même si le mythe du bon Canadien français a la couenne dure, les mentalités changent. Nous ne sommes plus à l’époque de la crise d’oka.

On l’a constaté l’an dernier durant le blocus ferroviair­e. Malgré le grand dérangemen­t qu’ont causé les manifestat­ions, la population s’est montrée relativeme­nt sympathiqu­e aux revendicat­ions territoria­les des Wet'suwet'en.

Deux cent quinze petits corps d’enfants autochtone­s enfouis ont marqué nos esprits, de Victoria à Québec.

Nous avons tous la responsabi­lité de ne pas oublier, et de faire mieux.

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Objets d’enfants accrochés à la clôture de l’ancien pensionnat de Maliotenam, à Sept-îles.
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