Atrocités cachées par Oottawa
On refuse toujours de publier des rapports qui relatent ce qui se passait dans les pensionnats autochtones
OTTAWA | Le gouvernement fédéral continue de garder secrets des documents historiques clés sur les pensionnats autochtones qui aideraient à faire la lumière sur le sort réservé aux 150 000 enfants qui les ont fréquentés.
Il s’agit de registres d’inscription, de rapports d’accident, d’abus ou de négligences ou même de registres de cimetières. Tous ont été rassemblés par Affaires autochtones et du Nord Canada pour faire des compilations sur chacun des pensionnats du pays, y compris les 12 du Québec.
Certains de ces établissements servent aujourd’hui de lieux de mémoire et de célébration de la culture autochtone, d’éducation des petits pour qu’ils ne connaissent jamais l’enfer qui afflige encore leur famille. Mais plusieurs sont abandonnés et aucun n’a dévoilé tous ses sombres secrets.
Ces mystères sont compilés dans les documents qui devaient être livrés à la Commission de vérité et réconciliation (CRV), puis archivés au Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR). Mais la commission a remis son rapport final en 2015 avec une partie seulement des archives.
POUR TROUVER LES DISPARUS...
Six ans plus tard, le gouvernement reproche à l’église de refuser d’ouvrir ses livres, mais traîne lui-même encore les pieds, déplore le CNVR. Le Centre souligne que ceci « ralentit l’important travail de recherche des enfants disparus ».
Les documents archivés par le CNVR ont joué un rôle important dans la découverte des 215 corps d’enfants abandonnés au pensionnat de Kamloops, en ColombieBritannique.
Ils serviront aussi de ligne de vie pour entreprendre des fouilles ailleurs, comme le demande un survivant innu du pensionnat de Maliotenam ( à lire en page 34).
Les commissaires de la Commission estiment qu’il pourrait y avoir pas moins de 25 000 petits corps enfouis sans sépulture autour des pensionnats du pays, y compris autour de ceux du Québec, en particulier les deux plus anciens situés sur le bord de la Baie-james ( à lire en page 37).
Le gouvernement détiendrait 895 documents sur l’un d’eux, celui de St-phillip à Fort George, peut-on lire dans un affidavit déposé à la Cour supérieure de l’ontario en janvier par l’avocat de plusieurs survivants, Me David Schulze.
… ET GUÉRIR LES SURVIVANTS
Parmi ces guerriers marqués au fer rouge, on compte Kenneth Weistche qui a accepté de livrer au Journal les supplices qu’il a endurés entre l’âge de 5 ans et sa majorité ( à lire en pages 36 et 37).
Abusé sexuellement, M. Weistche a été broyé par le système des pensionnats qui séparait les enfants de leurs familles dans le but avoué de « tuer l’indien dans l’indien ».
À 64 ans, il apprend encore à vivre avec ses blessures et garde une sourde colère.
« Pour guérir, j’ai besoin que le gouvernement fédéral et l’église arrêtent de nier et comprennent le mal qu’ils ont fait. Ils refusent toujours, ils cachent encore des choses, gronde-t-il. Ce que je vois aujourd’hui, ce n’est pas la réconciliation, ce sont des dossiers de cour qui s’accumulent. Rien ne change. »
Le gouvernement a versé 3,23 milliards $ en indemnités aux survivants des pensionnats.