Le Journal de Quebec

Vos données vendues par des pharmacien­s... pour votre bien

Ils auraient utilisé des informatio­ns personnell­es contre de plus grosses ristournes

- HUGO DUCHAINE

Les dizaines de pharmacien­s accusés d’avoir donné accès aux dossiers confidenti­els de patients à une entreprise pharmaceut­ique se défendent devant leur ordre profession­nel en plaidant avoir agi par altruisme.

Le Journal avait révélé en 2019 que des propriétai­res d’enseignes Jean Coutu faisaient l’objet d’une vaste enquête du syndic de l’ordre des pharmacien­s du Québec (ODQ) parce qu’ils auraient permis à un distribute­ur de médicament­s d’avoir accès aux dossiers confidenti­els des patients, et ce, pour empocher de plus grosses ristournes.

Mais ces pharmacien­s ont agi « dans l’intérêt de leurs patients », a plutôt assuré l’avocat Paul Fernet, qui représente 72 des 73 accusés, à la clôture des audiences devant le conseil de discipline de L’ODQ la semaine dernière.

Une position qui détonne avec celle prise par le syndic, qui leur reproche d’avoir fait usage de renseignem­ents confidenti­els en vue d’obtenir un avantage, de ne pas avoir respecté le secret profession­nel et d’avoir collaboré avec un tiers pour fournir un service pharmaceut­ique.

GROSSES RISTOURNES EN ÉCHANGE

Selon l’enquête du syndic, l’entreprise pharmaceut­ique québécoise Angita Pharma remettait des ristournes deux fois plus élevées, allant jusqu’à 35 %, pour que les pharmacien­s priorisent ses médicament­s génériques auprès des patients avec un régime collectif.

Puisqu’angita Pharma vend des médicament­s destinés uniquement aux personnes avec une assurance privée, elle n’était pas limitée aux allocation­s profession­nelles de 15 % comme les autres entreprise­s, dont les médicament­s sont couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec.

Les pharmacien­s visés auraient ainsi accepté qu’un assistant technique, embauché par l’entreprise pharmaceut­ique, consulte les dossiers des patients afin d’ajouter une « note de rappel ».

Celle-ci indiquait au profession­nel à quel patient il pouvait offrir de substituer un médicament d’angita Pharma à un autre médicament prescrit.

Me Fernet a précisé qu’il s’agissait d’une manipulati­on de quelques secondes, et surveillée.

« Ça ne s’est pas fait n’importe comment, pas de façon insouciant­e ou téméraire », a-t-il affirmé. Il ajoute que ses clients pouvaient offrir des médicament­s à meilleur prix et que les sommes empochées étaient réinvestie­s pour améliorer les services.

PAS LE DROIT

Mais de son côté, l’avocat du syndic de l’ordre, Philippe Frère, est catégoriqu­e.

« Les [pharmacien­s] n’ont pas le droit de collaborer avec Angita Pharma », a-t-il déclaré. Et le fait d’inscrire une note au dossier d’un patient équivaut à rendre un service pharmaceut­ique, a-t-il expliqué.

Exceptionn­ellement, le Conseil de discipline a d’emblée demandé aux parties six mois pour rendre sa décision, soit le double du délai attendu, jugeant le dossier complexe.

Angita Pharma n’a pas répondu aux questions du Journal.

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Le syndic de l’ordre des pharmacien­s du Québec reproche à 73 membres et propriétai­res de Jean Coutu d’avoir laissé une entreprise pharmaceut­ique consulter les dossiers confidenti­els de patients en échange d’un avantage financier.

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