Le Journal de Quebec

Une défaite mais plusieurs victoires

- Jean-louis Fortin Directeur du Bureau d’enquête

Chers lecteurs, vous ne pourrez pas avoir de détails sur la façon dont un ex-cadre de l’hôpital

St. Mary, à Montréal, s’y serait pris pour détourner plus de 400 000 $ de fonds publics.

Ainsi en a décidé la Cour suprême le 28 mai dernier. Notre Bureau d’enquête cherchait depuis quatre ans à obtenir un rapport juricompta­ble déposé par l’hôpital dans le cadre d’une poursuite judiciaire contre son ex-directeur des ressources matérielle­s, Magdi Kamel.

En 2017, coup de théâtre. Alors que nous avions déjà demandé de pouvoir consulter le rapport, l’hôpital a choisi de se désister de sa poursuite contre Kamel, ce qui nous rendait le document inaccessib­le.

Était-ce une manoeuvre délibérée pour empêcher le grand public d’en prendre connaissan­ce ?

Nous ne le saurons jamais. La Cour suprême vient de trancher que l’hôpital avait le droit de procéder ainsi en vertu du Code de procédure civile.

Pour ajouter à l’absence de transparen­ce dans ce dossier, l’hôpital a aussi conclu une entente hors cour avec son ex-cadre, qui est également confidenti­elle.

PUBLICITÉ DE LA JUSTICE

Nous respectons bien sûr la conclusion du plus haut tribunal au pays. Mais je préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, et voici pourquoi :

■ La décision de la Cour suprême est partagée à 5 contre 4. En d’autres termes, quatre des neuf magistrats voulaient nous donner accès aux documents, dont le très honorable juge en chef Richard Wagner.

■ Deux des dissidents, soit le juge Wagner et le juge Nicholas Kasirer, estiment en termes clairs que le désistemen­t de l’hôpital ne pouvait se faire au détriment du droit du public à l’informatio­n.

« Aussi importante soit-elle, la maîtrise par les parties de leur dossier ne va pas jusqu’à leur permettre de dérober directemen­t ou indirectem­ent au regard public le contenu de leur dossier, et éluder ainsi le principe fondamenta­l de la publicité des débats », écrivent-ils.

■ Même la juge Suzanne Côté, qui a rejeté notre requête, affirme ceci : « L’importance du principe de la publicité des débats judiciaire­s ne suscite plus aujourd’hui de controvers­e. On conviendra aisément, suivant la formule élégante d’un auteur ancien, que la justice est “un ouvrage de lumière et non de ténèbres”. »

■ En cours de route, nos démarches ont au moins permis, en juillet 2017, d’obtenir une copie du dossier de cour, dont la quasi-totalité était jusqu’alors inaccessib­le au public.

UN REMPART

Il faut bien le souligner : notre contentieu­x, formé d’avocats chevronnés et spécialist­es du droit des médias, remporte des victoires plus souvent qu’à son tour.

C’est parce que nous avons bataillé pendant 30 mois devant la Commission d’accès à l’informatio­n que nous avons pu publier, le 10 mai dernier, le coût des travaux du nouveau Centre universita­ire de santé Mcgill. On y apprenait entre autres qu’il en avait coûté près de 6000 $ de fonds publics pour installer deux prises électrique­s pour congélateu­rs.

« Nous continuero­ns d’être un rempart pour faire respecter le droit du public à l’informatio­n », m’indiquait cette semaine le vice-président des Affaires juridiques de Québecor, Jonathan Lee Hickey.

De toute façon, la décision de la Cour suprême n’est « probableme­nt pas le dernier jugement en matière de publicité des débats judiciaire­s », selon lui.

ON NE LÂCHE PAS

Dans cet esprit, nous avons donc envoyé cette semaine plusieurs demandes d’accès à l’informatio­n, pour connaître notamment le total des honoraires juridiques défrayés par l’hôpital St. Mary dans cette affaire.

Notre travail d’enquête se poursuivra donc dans ce dossier comme dans de nombreux autres, au nom de l’intérêt public.

Aussi, si vous avez des pistes d’enquête à nous suggérer ou si vous possédez des documents qui doivent être connus de tous, n’hésitez pas à nous écrire en toute confidenti­alité au jdm-scoop@quebecorme­dia.com.

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