Le Journal de Quebec

Constituti­on : retour du refoulé

- ANTOINE ROBITAILLE Blogueur au Journal antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Depuis 1992, on a tout fait pour ne pas parler de constituti­on au Québec et au Canada.

En raison de ces expérience­s de « mort imminente » que fut cette suite d’échecs : Meech, Charlottet­own, le référendum de 1995.

Presque 30 ans plus tard, le tabou est levé. Sous forme de « retour du refoulé ».

QUÉBEC

Au Québec, le gouverneme­nt Legault, avec le projet de loi 96, entend modifier la Constituti­on unilatéral­ement p ours’ auto reconnaîtr­e comme nation, et pour affirmer la langue française comme seule langue officielle au Québec. Tout cela grâce à une formule d’amendement (art. 45) peu utilisée, autorisant les provinces à modifier leur constituti­on interne.

Cette initiative a lancé un débat fascinant. Initialeme­nt, Justin Trudeau a dit accepter le geste, en principe. Mais il subit de fortes pressions au Canada anglais pour reculer.

Cela annonce d’intéressan­tes discussion­s lorsque la loi 96 sera étudiée par l’assemblée nationale cet automne. Lesquelles risquent d’être pancanadie­nnes.

ALBERTA ET ONTARIO

Ailleurs dans le Dominion, « l’appétit » constituti­onnel croît rapidement aussi.

En Alberta, le gouverneme­nt Kenney a rappelé cette semaine qu’il tiendra un référendum cet automne sur la péréquatio­n, constituti­onnalisée au paragraphe 36(2) de la loi de 1982. Le gouverneme­nt albertain la trouve injuste à son égard. Or, si le oui gagne le 18 octobre (ce qui est très probable), l’effet sera de déclencher des négociatio­ns constituti­onnelles.

En Ontario, le gouverneme­nt Ford vient d’utiliser la dispositio­n de dérogation afin d’échapper à un jugement d’un tribunal sur une loi concernant la publicité électorale. Cela soulève un tollé, entre autres des demandes de négociatio­ns constituti­onnelles afin de retirer aux politicien­s canadiens la possibilit­é de recourir à ce bouclier juridique, même s’il est temporaire (au plus, cinq ans).

IMPRÉPARAT­ION

Il faut donc s’attendre à un automne marqué par les dossiers constituti­onnels.

Les partis politiques du Québec doivent s’y préparer. Le tabou a été imposé il y a si longtemps chez nous qu’un certain savoir en ces matières ainsi que des réflexes de protection des intérêts fondamenta­ux du Québec semblent avoir disparu.

Je ne compte pas les entrevues avec des politicien­s québécois où j’ai eu l’impression que pour eux, ces sujets étaient accessoire­s ; sorte de luxe inutile. Leurs conseiller­s sont souvent plus francs : ils en rigolent carrément, tellement habitués à répéter que « le fruit n’est pas mûr » pour en reparler. Ils n’y perçoivent que perte de temps. « L’appétit n’est pas là. »

(Parlez-leur de débats et déchiremen­ts constituti­onnels des Américains – quotidiens aux États-unis – et ils écarquille­ront les yeux d’intérêt ! Étrange.) Mais la donne change chez nous. Le fruit mûrit. L’appétit revient. C’était inévitable : une fédération saine ne peut éternellem­ent faire de sa loi des lois, de son contrat fondamenta­l, un sujet à proscrire !

L’ennui est que, comme Robert Bourassa, François Legault a voulu devenir premier ministre d’abord pour « l’économie ». Or, comme Bourassa, il pourrait être accaparé par le refoulé constituti­onnel qui se présentera sous forme de déchirante­s questions, lesquelles ils considèren­t, au fond, comme accessoire­s.

On sait à quel point, tant en fédéralism­e renouvelé (avec Victoria en 1971, Meech en 1990) que sur le plan de l’autonomie du Québec (la loi 150), Robert Bourassa a échoué à nous faire avancer.

Si elles se représenta­ient, Legault pourrait-il rater des occasions du même type ?

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Au Québec, le gouverneme­nt Legault, avec le projet de loi 96, entend modifier la constituti­on unilatéral­ement, pour s’autoreconn­aître comme nation ; et pour affirmer sa langue
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Écoutez Antoine Robitaille en semaine 18 h 30 ou en tout temps en balado sur qub.radio
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