La victoire tranquille
L’idée d’inscrire notre nation et sa spécificité française dans la Constitution canadienne a soulevé peu d’intérêt dans les chaumières, alors que le coeur d’une majorité de Québécois battait pour cette revendication phare des négociations avec Ottawa et les provinces il y a 30 ans.
L’élément clé de Meech, c’était la reconnaissance de la société distincte. Bien que chacune des revendications du Québec pour intégrer la Constitution de 1982 revêtait son importance, le filon émotif, c’était l’acceptation par le reste du pays de notre identité profonde, de « qui nous sommes ». C’est pour cette raison que les négociations et les étapes suivant l’échec constitutionnel nous ont touchés et ont provoqué une fièvre digne des séries de la Coupe Stanley.
Or, il appert que par la réforme de la loi 101 du ministre Simon Jolin-barrette, le Québec inscrira lui-même cette revendication historique dans le texte de fondation du pays, sans véritable opposition.
Les experts applaudissent poliment dans les tribunes, marquant un succès d’estime, soit. Mais le train-train quotidien de lente sortie de pandémie se poursuit. La victoire, sans combat, provoque à peine un sourcillement populaire.
Il y a l’explication intéressée du PQ : si Justin Trudeau ne s’y oppose pas, c’est que le gain est symbolique. Qu’il ne change rien.
FIERTÉ À RETROUVER
Mais chez bien des Québécois, il y a plus que ce scepticisme. Il y a pire. C’est l’oubli.
Au fil des ans, de gouvernements attentistes et de discours défaitistes sur le fruit qui n’est pas mûr, la lassitude s’est transformée en résignation. La grande page s’est tournée.
Lorsque le ministre a présenté cette idée dans les officines, les avocats du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes étaient réticents, craignaient un impact négatif dans la diplomatie avec le reste du pays.
On ne sait pas si Justin Trudeau maintiendra cet appui tacite d’ici l’adoption de la loi. Mais même si la victoire n’est pas obtenue à l’arraché, elle n’en est pas moins significative et source de fierté. Le reste du Canada aura beau rouspéter au loin, le Québec aura assumé son identité, sans attendre cette fois l’accord de qui que ce soit. Et ce sera un geste de liberté.