Le Journal de Quebec

Pas de permission à demander à Ottawa

Le gouverneme­nt Legault veut inscrire le concept de nation québécoise dans la Constituti­on canadienne

- PATRICK BELLEROSE

En plus de protéger la langue française, la réforme de la loi 101 envoie un message au reste du Canada: le Québec n’a pas à demander la permission pour s’affirmer dans la fédération, explique en entrevue le ministre Simon Jolin-barrette.

Le jeune ministre de 34 ans a causé toute une surprise, à la mi-mai, en proposant de modifier la Constituti­on canadienne pour y inscrire que les Québécois forment une nation et que le français est sa langue officielle et commune.

Et, contrairem­ent aux grandes valses constituti­onnelles de Meech et Charlottet­own, le gouverneme­nt Legault n’entend pas demander « l’assentimen­t » du fédéral ou des autres provinces. Il agira unilatéral­ement.

« On a un projet nationalis­te de faire des gains à l’intérieur du Canada, et ça, c’est une illustrati­on très concrète où on peut faire avancer le Québec à l’intérieur de la fédération et dire : l’état québécois existe, les Québécois et les Québécoise­s existent, ils sont distincts, le Québec est une société distincte », dit le ministre responsabl­e de la Langue française, lors d’un entretien avec notre Bureau parlementa­ire.

En 2006, le gouverneme­nt Harper avait reconnu le concept d’une nation québécoise. « Je pense qu’il était temps de l’inscrire dans la constituti­on », lance Simon Jolin-barrette.

« IMPACTS CONCRETS ET DURABLES »

Les constituti­onnalistes débattront longtemps sur la portée, symbolique ou non, de cette modificati­on, mais le ministre est sans équivoque : « ça va avoir des impacts concrets et durables dans le futur ».

« À partir du moment où la dispositio­n est dans la constituti­on, lorsqu’il y a un litige constituti­onnel, ça doit être pris en compte », souligne-t-il.

Cette démarche « autonomist­e » vise autant à envoyer un « message très clair » aux « partenaire­s de la fédération canadienne et aux tribunaux » qu’à raviver la « fierté » des Québécois.

« C’est sûr que si nous-mêmes on ne dit pas qui on est, c’est difficile pour les autres de nous respecter et d’identifier quelle est la différence », souligne le ministre.

Quand on lui demande pourquoi aucun autre gouverneme­nt n’avait pensé à utiliser cette clé constituti­onnelle, le ministre, reconnu pour son esprit cartésien, réprime un large sourire.

Le passionné d’histoire et de constituti­on refuse d’en prendre le crédit – il cite le « travail d’équipe » –, mais visiblemen­t, il a vécu son moment eurêka.

DÉNONCÉ AU CANADA ANGLAIS

Accueillie sans faire de vagues au Québec, l’idée a provoqué un tollé au Canada anglais. Les éditoriali­stes du Globe and Mail ont dénoncé un « piège » tendu à Justin Trudeau à la veille de probables élections.

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a reconnu que le Québec peut aller de l’avant avec la modificati­on proposée, mais ne partage pas son interpréta­tion sur sa large portée juridique et sa nature à modifier l’interpréta­tion de la Constituti­on.

La question fera d’ailleurs l’objet d’un débat, mardi, à la Chambre des communes, alors que le Bloc québécois présentera une nouvelle motion pour obliger les partis fédéraux à se prononcer sur la volonté du Québec. Chaque formation politique devra alors expliquer pourquoi elle appuie, ou non, la modificati­on.

Simon Jolin-barrette se réjouit de la position de Justin Trudeau, mais rappelle que le gouverneme­nt Legault est prêt à faire cavalier seul.

« Je l’invite à continuer à nous appuyer là-dessus, dit-il. Mais une chose est sûre : s’il y avait un changement de position de leur part, le Québec va aller de l’avant avec cette modificati­on, parce que ça nous appartient. »

« CE DÉBAT APPARTIENT AUX QUÉBÉCOIS. »

–Simon Jolin-barrette

 ?? PHOTO STEVENS LEBLANC ?? Le ministre responsabl­e de la Langue française, Simon Jolin-barrette, photograph­ié à la bibliothèq­ue de l’assemblée nationale plus tôt cette semaine, a déposé un vaste projet de loi pour réformer la Charte de la langue française, qui inclut une modificati­on à la Constituti­on canadienne.
PHOTO STEVENS LEBLANC Le ministre responsabl­e de la Langue française, Simon Jolin-barrette, photograph­ié à la bibliothèq­ue de l’assemblée nationale plus tôt cette semaine, a déposé un vaste projet de loi pour réformer la Charte de la langue française, qui inclut une modificati­on à la Constituti­on canadienne.

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