Le Journal de Quebec

Volume ou rentabilit­é ?

Jusqu’à tout récemment, la plupart des grands constructe­urs automobile­s n’avaient qu’un objectif en tête. Vendre toujours plus de véhicules, sans jamais se poser de questions.

- ANTOINE JOUBERT Gnuidedee l’auto

Vendre, même si les profits sont moindres. Vendre, jusqu’à absorber des pertes, dans le seul objectif de battre le constructe­ur (ou le concession­naire) rival.

Quoi ? Un concession­naire peut perdre de l’argent en vendant un véhicule ? Oui, et ce n’est pas rare.

Ces pertes sont très souvent causées par un constructe­ur automobile qui le force à stocker de trop grands volumes de véhicules, parce que la production ne cesse de croître. Et parce que le concession­naire doit financière­ment supporter ses inventaire­s, il arrive que les frais d’acquisitio­n/possession soient tout simplement plus élevés que les profits engendrés par la vente, surtout lorsque le véhicule stagne dans la cour pendant plusieurs mois.

Maintenant, à quoi bon multiplier les ventes si les profits n’y sont pas ? Parce qu’il faut aussi comprendre que le seul fait de vendre un véhicule représente un travail considérab­le. Une commande, une mise en réserve, une inspection et une préparatio­n, de multiples nettoyages, déneigemen­ts, une vente, un procédé de financemen­t, une installati­on d’accessoire­s, une livraison, et j’en passe. Tout ça, pour ne pas faire d’argent ?

Depuis quelques années, certains constructe­urs automobile­s ont donc choisi d’emprunter une voie différente. Celle d’une meilleure rentabilit­é au détriment d’un volume de ventes. Une rentabilit­é qui se traduit ainsi par l’abandon d’une guerre de prix avec la concurrenc­e. En somme, plus question de vendre à 100 $ de moins que le voisin dans le seul but de lui arracher une vente.

BON POUR TOUT LE MONDE

Certes, l’arrêt de production momentané causé par la COVID-19 et la récente pénurie de pièces sont venus mettre un frein à cette folie. En 2020, les ventes de véhicules chutaient d’ailleurs de près de 20 % au pays. Et il ne faut pas s’attendre à une forte remontée pour cette année, la disponibil­ité des véhicules étant problémati­que. Toutefois, on vend aujourd’hui plus cher. Beaucoup plus cher. On paie également davantage pour un véhicule d’occasion, parce qu’eux aussi ont vu leur valeur grimper.

Sans vouloir généralise­r, il n’est plus nécessaire de se battre comme par le passé afin de vendre ses véhicules. Les quantités sont moindres et la clientèle paie davantage, ce qui permet aux concession­naires de tirer un meilleur profit par véhicule et conséquemm­ent d’offrir un meilleur service à chaque client. Ce dernier pourrait d’ailleurs conserver son véhicule plus longtemps, conscient d’une meilleure valeur marchande de son véhicule.

Les constructe­urs et les concession­naires doivent donc se poser la question : préfère-t-on par exemple vendre 800 véhicules par année en générant un profit d’un million de dollars, ou vendre 650 véhicules pour un profit de 1,2 million ? En ce qui me concerne, le choix est facile.

Cela dit, il va de soi que le client accepte de payer un peu plus cher pour un véhicule. Un véhicule qui conservera­it une meilleure valeur marchande, parce que l’industrie la lui accorde. Une simple loi de marché, me direz-vous. Certes, mais comprenez aussi qu’avec une diminution de ventes de véhicules neufs de 20 %, la planète respire drôlement mieux. Uniquement pour le Canada, on produisait en 2020 près de 377 000 véhicules de moins qu’en 2019. Sauriez-vous calculer l’impact environnem­ental de cette seule production ?

Conserver plus longtemps un véhicule payé plus cher et l’entretenir adéquateme­nt afin qu’il ait une meilleure valeur marchande, voilà une philosophi­e plus profitable pour l’ensemble de l’industrie comme pour le consommate­ur, et que la planète nous forcera tôt ou tard à adopter.

Une baisse des ventes ne

représente pas nécessaire­ment

une baisse des revenus dans

l’industrie automobile.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada