Le Journal de Quebec

Prévenir, soulager et remettre les jeunes en piste

- LETTRE OUVERTE

Je suis pédiatre depuis 1974, et fier de l’être. Je savais que c’était la plus belle profession du monde lorsque j’étais enfant.

Devant les besoins fondamenta­ux non satisfaits de milliers d’enfants, qui se traduisent par un mauvais état de santé, j’ai développé une approche de médecine qui s’intéresse à l’ensemble de leur être pour répondre à l’ensemble de leurs besoins : la pédiatrie sociale en communauté.

DÉTRESSE PSYCHOLOGI­QUE

Au fil des années, la santé mentale a pris une place importante dans ma pratique et dans celles des autres équipes à travers le Québec. La pandémie n’a pas aidé. Elle a contribué à faire exploser les cas de détresse psychologi­que, d’anxiété sévère et de troubles d’adaptation des enfants déjà fragilisés par des conditions de vie difficiles.

Aujourd’hui, nous soignons et accompagno­ns de nombreux enfants avec des polytrauma­tismes, des troubles post-traumatiqu­es, de multiples comorbidit­és. Plusieurs sont polymédica­mentés et encore plusieurs autres sont en échec de traitement.

Certes, les pédiatres ne sont pas formés en psychiatri­e, mais dans notre pratique de pédiatrie sociale en communauté, nous devons parfaire nos connaissan­ces par des formations profession­nelles continues pour mieux soigner les enfants qui nous sont référés.

La clé de notre succès est notre agilité à travailler en concertati­on avec les ressources du milieu, et à agir avec des équipes multidisci­plinaires et intersecto­rielles pour démultipli­er nos compétence­s de base en santé mentale et les rendre plus efficaces.

Dans les cas complexes (tentatives de suicide, détresse sévère, désorganis­ation majeure), nous transmetto­ns d’emblée aux psychiatre­s et à l’urgence des grands hôpitaux pédiatriqu­es les cas les plus complexes. Or, ces jeunes en souffrance sont le plus souvent retournés « à nos bons soins ». Quant à nos références en santé mentale de première ligne des CLSC, plusieurs mois et même quelques années s’écoulent avant que l’enfant ne soit vu.

Sachant très bien que l’environnem­ent et la santé mentale sont liés à la santé physique, nous agissons selon nos compétence­s d’équipe pour prévenir, soulager et remettre en piste ces jeunes, devant les carences de ressources en psychiatri­e et en psychologi­e et l’absence généralisé­e de services.

PREMIÈRE LIGNE EFFICACE

Les pédiatres formés en pédiatrie sociale en communauté ont acquis des compétence­s en prévention et en soulagemen­t de la souffrance émotionnel­le des enfants, et même en santé mentale. Nous jouons un rôle essentiel lorsque les enfants attendent d’être vus en pédopsychi­atrie. L’état de santé de l’enfant en détresse est une priorité pour nous.

Nous ne prétendons pas guérir les problèmes psychiatri­ques, mais, comme première ligne efficace, nous pouvons accueillir, soulager et « sauver les meubles » comme on dit.

Vivement une prise de conscience plus large de nos responsabi­lités plutôt qu’une attitude de « pas dans ma cour ».

Vivement une formation en santé mentale plus précoce dans le cursus médical et plus élaborée pour les pédiatres, et les médecins de famille.

Vivement une accessibil­ité plus grande aux pédopsychi­atres et aux psychologu­es.

Vivement le plus grand respect des besoins fondamenta­ux des enfants dans le respect de l’ensemble de leurs droits et à l’accès à des soins complets.

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Dr Gilles Julien, pédiatre social, directeur clinique et président fondateur de la Fondation Dr Julien

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