Le Journal de Quebec

L’enquête sur les frais monstrueux imposés par Walmart tombe à l’eau

Des agriculteu­rs préfèrent se taire plutôt que de nuire à leur relation avec le géant

- FRANCIS HALIN

L’enquête sur Walmart réclamée par l’union des producteur­s agricoles (UPA) tombe à l’eau parce que ses producteur­s ont trop peur de témoigner à visière levée contre ces « frais exorbitant­s ».

« Le Bureau de la concurrenc­e a clos une enquête sur des allégation­s selon lesquelles Walmart Canada et United Grocers Inc. auraient conclu une entente visant à imposer des augmentati­ons de frais et/ou des réductions de coûts à leurs fournisseu­rs », a confirmé Jayme Albert, porte-parole du Bureau de la concurrenc­e du Canada.

En septembre 2020, Le Journal a révélé que L’UPA s’était tournée vers le Bureau de la concurrenc­e du Canada pour qu’il ouvre une enquête sur le géant américain Walmart et ses « frais exorbitant­s » imposés aux producteur­s.

D’après L’UPA, les agriculteu­rs et les transforma­teurs risquaient de perdre entre 100 millions de dollars et 465 millions de dollars si les autres bannières allaient de l’avant avec les mêmes hausses de frais que Walmart.

Or, neuf mois plus tard, cette enquête est close parce qu’« il n’y a pas suffisamme­nt de preuves pour établir qu’il y a eu contravent­ion à la Loi sur la concurrenc­e », selon les mots du Bureau.

PEUR DE REPRÉSAILL­ES

Or, pour Marcel Groleau, président de l’union des producteur­s agricoles (UPA), il n’y a pas de doute : les producteur­s québécois n’ont pas voulu dénoncer la situation au grand jour « de peur de représaill­es ».

« Les producteur­s n’osent pas prendre le risque d’aller témoigner et d’être par la suite exclus en tant que fournisseu­rs de Walmart », a-t-il avancé.

À défaut de poursuivre par la voie des tribunaux, L’UPA se rabat maintenant sur le comité de travail politique fédéral-provincial piloté par le ministre québécois de l’agricultur­e, André Lamontagne.

Pas question cependant de laisser le champ libre à l’industrie alimentair­e, qui fait des pieds et des mains en coulisses pour imposer son propre « code de conduite ».

« On a voulu envoyer une lettre au ministre pour lui dire de poursuivre son travail et les producteur­s ont même eu peur de signer la lettre », a illustré Marcel Groleau pour montrer à quel point l’omerta règne quand vient le temps de montrer les dents face au géant américain Walmart.

Hier, Walmart s’est défendue en disant qu’elle a au contraire « une excellente relation de travail avec ses fournisseu­rs » et qu’elle collabore avec eux pour que leurs clients aient accès aux produits.

« Walmart a une directive de la porte ouverte à l’intention de tous les fournisseu­rs, de petite ou de grande envergure, afin de les encourager à exprimer toutes les préoccupat­ions qu’ils pourraient avoir », a souligné son porte-parole Steeve Azoulay.

« Au cours des 12 derniers mois, Walmart a acheté près de 11 milliards de dollars de produits provenant de plus de 840 fournisseu­rs canadiens de produits alimentair­es afin de soutenir l’économie canadienne », a-t-il conclu.

L’été dernier, L’UPA avait dénoncé le fait que Walmart Canada impose des « frais de développem­ent des infrastruc­tures » de 1,25 % et de « développem­ent du commerce électroniq­ue » de 5 % pour les produits vendus sur le site de Walmart. ca ou de l’un de ses partenaire­s, pour un total de 6,25 %.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, PIERRE-PAUL POULIN ?? En novembre 2020, Québec a annoncé qu’il allait présider un comité pancanadie­n qui pourrait déboucher sur un code de conduite pour dompter les géants de l’alimentati­on comme Walmart.
PHOTO D’ARCHIVES, PIERRE-PAUL POULIN En novembre 2020, Québec a annoncé qu’il allait présider un comité pancanadie­n qui pourrait déboucher sur un code de conduite pour dompter les géants de l’alimentati­on comme Walmart.

Newspapers in French

Newspapers from Canada