Le Journal de Quebec

Et si l’on allongeait le congé de paternité ?

- Maxime Pearson (à gauche) et Samuel Tremblay Cofondateu­rs de Nouveaux pères

En cette Semaine québécoise de la paternité, nous avons de quoi célébrer. L’époque du père pourvoyeur semble ici révolue. Les « nouveaux pères » du Québec sont impliqués dans toutes les étapes du développem­ent de leurs enfants, de la pouponnièr­e à la collation des grades, et sont des joueurs de premier trio au sein de leur équipe parentale.

Cette petite révolution s’est opérée sur plusieurs décennies, en même temps qu’évoluait notre société. Les politiques familiales adoptées à la fin des années 1990 et l’entrée en vigueur du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), en 2006, ont cependant marqué un tournant. Elles ont accéléré le changement.

Il y a 15 ans, seulement 20 % des pères osaient prendre un congé de paternité. Nous sommes maintenant plus de 90 % à le faire, ce qui fait de nous des leaders non seulement au Canada, mais aussi partout dans le monde. De nombreuses études ont depuis démontré que cette présence accrue des pères à la naissance a un impact durable sur leur implicatio­n familiale.

ET LA PROCHAINE ÉTAPE ?

Cela dit, malgré ces progrès fulgurants, un déséquilib­re persiste entre les responsabi­lités familiales assumées par les mères et les pères. Et la pandémie a eu pour effet d’accroître cet écart, en accentuant souvent la charge mentale assumée par les femmes.

Bien qu’avant-gardistes, nos politiques familiales tendent encore à perpétuer ce déséquilib­re. Au-delà des cinq semaines qui leur sont réservées, les pères sont toujours hésitants à s’absenter du travail pour prendre soin de leurs enfants. Les mères québécoise­s prennent en moyenne 45 semaines de congé à la naissance, contre sept pour les pères. Dans 70 % des couples, les semaines de congé « partageabl­es » sont prises en totalité par la mère.

Certains pères « ne se sentent pas légitimes de négocier la division des semaines parentales. L’étiquette “congé de maternité” qui colle à ces semaines et l’idée que la mère est la mieux disposée pour en faire usage les mènent à abandonner ce désir d’être davantage présents, non sans frustratio­n », écrit la sociologue Valérie Harvey.

Ce déséquilib­re freine la progressio­n profession­nelle des femmes, qui doivent mettre leur carrière en veilleuse pour se concentrer à temps plein à leur rôle de mère pendant plusieurs années. À l’inverse, il freine l’élan paternel de plusieurs hommes, qui n’auront jamais pareille occasion de s’occuper seuls de leurs bébés à la maison.

Afin d’encourager un plus grand partage du congé parental, le gouverneme­nt a récemment bonifié le RQAP. On s’est toutefois contenté d’offrir des semaines additionne­lles de prestation­s « partageabl­es » aux parents, sans toucher à la durée du congé de paternité. Le Québec aurait pu faire preuve de davantage d’audace et suivre la voie tracée par l’islande, où l’on accorde maintenant quatre mois de congé réservés aux pères.

ACCÉLÉRER LE CHANGEMENT

L’égalité des sexes est une valeur qui fait consensus au Québec. Ironiqueme­nt, l’allongemen­t du congé de paternité se trouve rarement dans les programmes des partis politiques, même si cela contribuai­t à atteindre une plus grande égalité là où les hommes et les femmes passent la majeure partie de leur temps : à la maison, avec leur famille.

Au sortir de cette pandémie, l’occasion serait belle de commencer à y penser. Les nouveaux pères n’attendent certaineme­nt pas un tel changement pour continuer de prendre leur place. Dans tous les scénarios, notre petite révolution se poursuivra. Or, il est encore permis d’oser accélérer le changement.

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