Le Journal de Quebec

Je vais bien, mais jusqu’à quand ?

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Je suis une femme au mitan de sa vie (45 ans). Voici un résumé de mon parcours pour que vous puissiez vous en faire un portrait. Mon frère et moi avons vécu notre enfance dans une famille plutôt dysfonctio­nnelle. Nos parents, artistes dans l’âme, ont fait des enfants pour remplir leur devoir social, quand dans le fond, ils n’auraient jamais dû en avoir.

Ils ont passé leur existence à tenter de gagner leur vie par leur art, puis à se bagarrer ensemble le reste du temps sans jamais se résoudre à se quitter. C’est ce qu’on a eu sous les yeux toute notre enfance. Et comme en plus ils consommaie­nt, plus ils se disputaien­t, moins je comprenais de mon côté ce qu’ils faisaient ensemble.

Malgré cela, à l’âge adulte, j’avais une telle envie d’être aimée, que je me jetais à corps perdu sur chaque homme qui semblait s’intéresser à moi, contrairem­ent à mon frère, qui, lui, fuyait les femmes comme la peste.

À part mes aventures d’un soir, je peux dire que j’ai eu trois relations de couple jusqu’à ce jour, mais elles se sont toutes terminées plus ou moins dans la douleur. Ah, j’oubliais de vous dire que j’ai hérité du problème d’alcool de mes parents. Comme eux j’ai toujours bu sans mesure, jusqu’à ce que lors de ma dernière relation, mon ex me fasse savoir que c’était pour ça et pour rien d’autre qu’il me quittait.

Je venais donc de rater le pari de mes parents, qui seraient probableme­nt encore ensemble s’ils n’étaient pas décédés. C’était la première fois que j’aimais vraiment quelqu’un, je crois, mais aussi la première fois qu’on me mettait sous le nez que j’avais un problème qui s’appelle l’alcool.

Mon frère, sobre comme pas un, contrairem­ent à moi, m’avait souvent dit que ça l’attristait que je suive ainsi l’exemple des parents, mais je refusais de l’admettre, puisque dans ma tête, je buvais socialemen­t, comme tout le monde. J’avais juste oublié que quand je buvais, je devenais agressive, désagréabl­e, odieuse, et qu’il m’arrivait de frapper aussi. Oh, pas fort, mais frapper quand même.

J’ai décidé de faire un grand ménage en allant d’abord me faire soigner par un psy qui m’a confirmé mon problème d’alcool et qui m’a fortement recommandé de me joindre ensuite aux AA pour un suivi permanent. Ça fait un an de ça et je vais très bien. Je me sens même prête à voler sans aide pour raviver ma vie amoureuse. Mon frère me le déconseill­e fortement. Est-ce que vous êtes aussi pessimiste que lui ?

Une fille qui commence à presque

s’aimer

Je partage tout à fait l’avis de votre frère. Pourquoi risquer de tout gâcher quand vous êtes en aussi bonne voie de réhabilita­tion ? On a dû vous le dire aux rencontres AA : l’alcoolisme, c’est pour la vie. Quand on le sait, on ne prend plus aucun risque, selon moi.

Je suis une rescapée in extremis de la COVID-19. Comme je vous écris anonymemen­t, ça me permet de vous dévoiler que je faisais partie de ceux qui niaient l’existence du virus. Au grand dam de ma famille et de mes amis, je refusais de porter le masque et je prenais tous les jours des risques pour défier le sort.

Mon adolescent­e est revenue à la maison infectée, elle me l’a refilée et je fus hospitalis­ée 10 jours, dont deux aux soins intensifs. Ma fille a honte de m’avoir contaminée, et moi, j’ai honte de m’être rebellée contre la santé publique. Je tenais à m’en excuser quelque part et votre Courrier me donne cette opportunit­é sans avoir à me dévoiler au grand jour.

Avec tous mes regrets

Même si c’est anonymemen­t, au moins vous avez la décence de présenter vos excuses, ce qui risque d’alerter certains de vos semblables. Ce sera toujours ça de pris.

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