Des tonnes d’emballages pour rien
Amazon utilise des boîtes trop grosses et bourrées de plastique, déplorent des employés et des experts
Les employés d’amazon sont encouragés à utiliser plus de plastique que nécessaire pour emballer les colis, a découvert notre journaliste Dominique Cambron-goulet.
« C’est ridicule », lâche mon collègue Bachir*, qui est en train de remplir une immense boîte en carton de petits coussins d’air en plastique.
Tout au fond, un petit diffuseur d’odeur. La boîte pourrait en contenir facilement une soixantaine. L’objet sera très bien protégé...
Je viens moi aussi de réaliser ce même emballage, deux fois, en moins de cinq minutes. « Incroyable », poursuit Bachir.
Chez Amazon, c’est le système informatique qui dicte la taille de la boîte à utiliser. Ça donne souvent des anomalies d’emballage comme celle-là.
« Si le système te dit de mettre un gros objet dans une petite boîte, ça n’entrera pas, alors tu changes la boîte. Mais si le système te dit de mettre un petit objet dans une grosse boîte, tu ne changes pas la boîte. Tu mets plus de [coussins d’air] », m’explique Ibrahim, qui me donne ma formation.
Quand j’apprends les rudiments du poste d’emballeur, je suis déjà un Amazonien – surnom donné aux associés Amazon – depuis 11 jours.
Mais c’est vraiment à ce moment-là que je réalise l’ampleur du suremballage.
Pendant mes journées comme emballeur, ma conscience écologique prend parfois le dessus et je change certaines boîtes que je juge inutilement grosses.
Je dois alors avertir le système que je déroge à ses ordres. Sinon, une « erreur » sera inscrite à mon dossier de rendement.
ÇA VA TROP VITE...
Mais la cadence de travail est trop rapide pour pouvoir manuellement vérifier la taille la plus propice de chaque boîte. Il y a un rendement à atteindre : 67 commandes par heure.
« C’est beaucoup », convient Ibrahim, qui est pourtant un des emballeurs les plus expérimentés à Lachine.
Beaucoup de colis, ça fait beaucoup de plastique et il est difficile d’en saisir l’ampleur tellement Amazon est un géant.
Selon une étude réalisée par Oceana Canada, en 2019, Amazon a produit assez de coussins d’air pour faire le tour de la planète 500 fois.
« C’est une empreinte de plastique énorme, qui a un impact sur l’environnement et les océans. Amazon, grâce à sa taille, a le pouvoir de faire une différence », affirme Sayara Thurston, porte-parole d’oceana Canada, dans notre documentaire L’envers d’amazon.
Amazon met en doute ces conclusions, jurant utiliser seulement le quart de tout ce plastique. Mais lorsqu’oceana a demandé à Amazon de partager ses chiffres, la multinationale a refusé.
Mme Thurston rappelle que les coussins d’air sont difficilement recyclables.
Moi, quand j’emballe, je le sais déjà. On dirait aussi qu’amazon en est bien conscient. Dans le centre de distribution de Lachine, il n’y a pas de bac de recyclage pour le plastique. Il y a du recyclage de carton et des poubelles.
À LA POUBELLE
Pourtant, la machine qui gonfle les coussins d’air s’enraye fréquemment. Des mètres de film plastique deviennent inutilisables et sont donc directement mis à la poubelle. J’en jette régulièrement pendant mes journées.
À Lachine, j’emballe aussi des colis dans des enveloppes en papier doublées de papier bulle. Celles-ci ne sont pas acceptées dans les centres de tri pour la récupération à Montréal, car il s’agit de deux matières distinctes collées l’une à l’autre. À Québec, elles le sont.
« Ça met beaucoup de pression sur le consommateur pour savoir ce qui est recyclable et ce qui ne l’est pas », juge Sayara Thurston.
Vous avez des informations? Contactez notre journaliste de manière confidentielle à : dominique.c-goulet@quebecormedia.com ou au 514 257-1431.